La traversée du Dhaulagiri – Wild Wild West

par Jérémie COINON
En plein coeur des sommets enneigés de l'Himalaya

Jérémie COINON nous partage son expérience de trek en solitaire en haute montagne pour traverser le massif du Dhaulagiri et rejoindre le Gurja Himal au Népal.

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Informations pour préparer son trek en solo pour la traversée du Dhaulagiri

Dates :

Du 6 au 17 avril 2017

Lieu :

Vallées du Dhaulagiri, Gurja Himal et Dhorpatan – Népal

Carte du Népal pour la traversée du Dhaulagiri
Notre itinéraire pendant ces 12 jours

Pour aller au Népal :

En avion depuis Paris :

Aller-retour Paris/Katmandou avec une escale à Delhi (compter de 500 à 800 euros/ personne selon la période)

Depuis Katmandou :

Prendre soit un taxi soit un bus local (600 à 800 roupies – 6€) en direction de Pokhara.  8h de trajet en comptant les embouteillages pour sortir de Katmandou. Prendre un bus Pokhara-Beni (400 roupies) puis Beni-Darbang (100 roupies)

Pour le retour :

Depuis Burtibang, prendre une Jeep collective (1000 roupies) – 10h de trajet, pour rentrer sur Pokhara, puis récupérer un tourist bus pour rentrer à Katmandou (600 à 800 roupies) : 8h de trajet

Participant :

Jérémie COINON, 33 ans. Féru de montagne sous toutes ses formes. Que ce soit l’été en escalade, trail et randonnée, ou l’hiver en ski de randonnée et alpinisme, j’aime passer du temps dans ces grands espaces où liberté rime avec humilité.

Après huit ans à travailler dans le Pays Basque et à découvrir les Pyrénées, il était temps pour moi de réaliser un rêve d’enfant : partir seul à la découverte du monde. C’est ce rêve qui m’a poussé à prendre un aller simple Paris-Katmandou en octobre 2016  et à me retrouver six mois plus tard à l’arrière d’un bus cabossé pour tenter une chose que je n’avais encore jamais faite : partir en solo en haute montagne pour traverser le massif du Dhaulagiri et rejoindre le Gurja Himal.

Je suis prêt à passer une nuit glaciale à 3700m d’altitude dans la chaine himalayenne

Où dormir au Népal :

Katmandou : Les hôtels pour tout budget regorgent dans le quartier Thamel de Katmandou. A vous de choisir en fonction de votre budget et de vos envie. Pour ma part, j’ai choisi le Katmandou Tourist Home qui propose des chambres confortables, spacieuses et calmes pour environ 15€ la chambre pour. Le propriétaire parle français.

Les rues animées et colorées de Katmandou

Pokhara (lakeside) : Pokhara ne conserve pas grand-chose de son passé hippie où les jeunes occidentaux arrivaient pour s’essayer à toutes les drogues possibles. Les doudounes et lunettes de soleil remplacé les bandeaux à fleurs et pantalons « pattes d’ef », et le « lakeside » de Pokhara s’est transformé en camp de base pour les randonnées en haute montagne. Les hôtels ont poussé comme des petits pains et il y en a pour tous les gouts et toutes les bourses. Je vous conseille le New Tourist Hotel situé à 5 minutes à pied du lac, pour son excellent rapport qualité-prix (10€ la chambre double), son calme et son jardin.

Le lac de Pokhara, un endroit où il fait bon se reposer

Durant le trek : L’itinéraire choisi reste encore très sauvage et peu fréquenté (une partie sur le trek du Dhaulagiri et une autre entre Gurjakhani et Dhorpatan). Il est nécessaire d’emporter sa tente ainsi que des vivres pour pouvoir réaliser toutes les étapes dans de bonnes conditions. On trouvera çà et là quelques lodges pour récupérer, mais le confort est spartiate.

Le confort spartiate d’une maison népalaise

Ou se restaurer/s’approvisionner au Népal :

Katmandou : Le Népal étant un pays touristique, vous y trouverez tout ce que vous voulez pour manger, local ou moins local, et à tous les prix.  Sur Katmandou, le quartier de Thamel est une véritable caverne d’Ali Baba pour le trekkeur désireux de se préparer, de dormir ou de manger. Là-bas, vous pourrez facilement jongler entre :

  • traditionnel : les Dal Baht (assiette composée avec riz, lentilles, légumes et parfois d’autres ingrédients, traditionnelle au népal), les momos (sorte de ravioli cuit à la vapeur ou frit) ou les chowmein (pates chinoises)
  • International : burgers, pizzas, pates et autres plats occidentaux se retrouvent dans de nombreux restaurants
  • Végétarien ou Vegan : Le Népal attirant de nombreux voyageurs en quête de spiritualité, ou de bien vivre, ces restaurants fleurissent dans tout le quartier Thamel

Pour ceux qui veulent profiter des viennoiseries à l’autre bout du monde, ne ratez pas  la « German Backery » située en plein centre de Thamel et qui fait moitié prix sur tous ses gâteaux et viennoiseries dès 21h.

Autre infos pour se restaurer:

Pokhara (lakeside) : Ici encore vous trouverez tout ce dont vous avez besoin pour vous restaurer. De la cuisine traditionnelle à la crêperie française en passant par le restaurant chinois, bienvenue dans l’air de la mondialisation (quoique dans les années 70 le steak frites était déjà à la mode à Pokhara). Pas de restaurant particulier, je vous conseille de flâner au gré des envies et des trouvailles. N’hésitez pas à aller déguster un poisson sur les petits restaurants bordant le lac au sud.

Durant le Trek : Il est important de partir avec des vivres pour plusieurs jours sur cet itinéraire. Vous resterez au moins quatre jours sans ravitaillement du côté des camps de base du Dhaulagiri, et pendant deux jours du côté de Gurjakhani. 

  • Faites vos emplettes à Pokhara ou Beni avant de partir. je vous conseille de vous approvisionner en fruits sec/barres de céréales avant de partir.
  • Vous trouverez parfois des lodges pour manger un Dal baht, mais du fait de l’éloignement les prix ne sont plus les mêmes. Entre 3 et 7 euros pour un Dal baht.
  • Vous pourrez également vous ravitailler en arrivant dans les petits villages du Gurja Himal et du Dhorpatan.
L’intérieur d’une échoppe de village : la bière est disponible !

Pas besoin de permis de trek pour l’ouest du Dhaulagiri :

L’ouest du Dhaulagiri est l’une des rares zones montagneuses du Népal à être exemptée de permis, peut-être de par sa trop faible affluence de touristes ou du fait de quelque oubli de l’administration. Si vous faites le tour complet du Dhaulagiri vous devrez vous munir d’un permis de trek ainsi que d’un permis d’entrée au parc national des Anapurnas, mais pour l’itinéraire décrit, aucun permis de trek ni d’entrée n’est nécessaire. Un bonheur lorsqu’on sait que pour certaines régions comme le Mustang, il peut monter à 500$ pour 10 jours de trek !

Caractéristiques du trek au Népal :

Trek de douze jours dans les Himalaya au départ de Darbang (20km à l’ouest de Beni), pour rallier la vallée du Dhorpatan en passant par le camp de base du Dhaulagiri, le french pass (5400m) et le Gurja Himal.

Trek sauvage et exigeant, tant pour le côté rustique que l’engagement de l’itinéraire. Passages de glaciers, traversée de torrents, nuits en haute altitude et environnement haute montagne. Le Dhaulagiri est réputé pour sa météo incertaine et les conditions peuvent devenir très dangereuses en cas de tempête. Grande diversité des paysages et cultures. La région du gurja himal et du Dhorpatan étant peu touristique, l’ensemble des maisons traditionnelles ont été préservées.

Le Dhaulagiri depuis la vallée menant au French pass

Il est plus que recommandé de partir avec un guide et l’ensemble du matériel nécessaire pour passer plusieurs jours en haute montagne.

Le parcours de mon trek en solitaire

  • Jour 1 : Darbang – Boghara : Longue montée pour rejoindre la vallée qui bifurque vers le camp de base du Dhaulagiri.
  • Le Jour 2 : Boghara –Doban : Montée le long de la vallée dans des paysages alternant entre forêt et cultures. Villages typiques.
  • Jour 3 : Doban – Swiss camp : Montée pour rejoindre la moraine glaciaire. Passage scabreux sur la moraine puis bivouac au Swiss camp.
  • Jour 4 : Swiss camp – Base camp : Montée au camp de base par le glacier. Bivouac à 4600 m.
  • Le Jour 5 : Base camp – frenchpass – italian camp : montée au col à 5400m puis redescente du glacier pour retrouver les premières habitations.
  • Jour 6 : Italian camp – Boghara : redescente le long de la vallée du Dhaulagiri.
  • Jour 7 : Boghara – Lumjung : Traversée pour rejoindre la vallée de Dhorpatan. Alternance de zones de cultures traditionnelles.
  • Le Jour 8 : Lumjung – Gurjakani : Remontée jusqu’à Lulang puis Deurali (le col) pour redescendre dans la vallée de Gurjakhani.
  • Jour 9 : Gurjakani (pause) : visite du village typique de Gurjakani et des alentours. Magnifiques points de vues sur le Gurja Himal.
  • Le Jour 10 : Gurjakani – Gurjaghat : Retour dans la vallée du Dhorpatan en passant par Jalala pass. Vue imprenable sur les Himalayas depuis le Churen Himal jusqu’aux Annapurna.
  • Jour 11 : Gurjaghat – Bonga dovan : immense descente dans une vallée perdue ou villages traditionnels alternent avec les zones de cultures.
  • Jour 12 : Bonga dovan – Burtibang – Pokhara : Redescente par la piste pour reprendre une jeep à Burtibang et rentrer à Pokhara.

Quoi d’autre dans les environs :

Pour qui aime la randonnée et les hautes montagnes, le Népal est un paradis dans lequel chaque visiteur pourrait passer sa vie.

Autres expériences Au Népal

La région des Annapurna en est l’expression même avec une infinité de possibilités pour qui aime la nature :

Le tour des Annapurna

Premier 8000 gravi par une expédition française, le massif des Annapurna reste un symbole du Népal et fait office de décor pour l’un des treks les plus fréquentés du pays. Le tour des Annapurna peut se faire en deux ou trois semaines et, même s’il est très fréquenté, n’en demeure pas moins exceptionnel, que ce soit pour la grandeur des paysages et des montagnes, ou la beauté des paysages typiques des vallées des Annapurnas.

Drapeaux de prière face au glacier du Tilicho aux Annapurnas

Le trek de l’ABC

Ou littéralement Annapurna base Camp, ce trek plus court (8 jours en moyenne) permet de rejoindre les camps de base du Machhapuchhare et de l’Annapurna I par le sud. Il remonte tranquillement la vallée pour finir à 4000m d’altitude au pied de la face sud. Ambiance haute montagne garantie pour ce trek qui reste accessible au plus grand nombre.

Denis contemple la face sud des Annapurnas depuis le camp de base

Parapente à Pokhara

Faire un tandem de Parapente à Pokhara est l’occasion unique de voler près des grands 8000. En décollant depuis Sarangkot, la colline surplombant Pokhara, vous aurez tout le loisir de profiter d’une vue époustouflante sur le massif des Annapurna avant de redescendre en direction du lac de Pokhara. Vous trouverez une multitude d’écoles dans Pokhara. Compter 70€ environ pour 30 minutes de vol.

Eaux-vives sur la Kali Gandaki et Seti River

La vallée de la Kali Gandaki est considérée la plus profonde du monde car elle descend entre les Annapurna et le Dhaulagiri, deux sommets à plus de 8000m d’altitude. La rivière qui porte le même nom est l’occasion de pratiquer nombre d’activités d’eaux-vives. Rafting, canyoning, kayak, à vous de choisir selon le niveau d’adrénaline recherchée. De la même façon que pour le parapente, vous trouverez une multitude d’agences proposant ces excursions.

activité de rafting à faire au Népal

Le lac de Pokhara et la pagode de la paix

Lors de vos jours de repos à Pokhara avant ou après un trek, prenez une demi-journée pour aller faire un tour à la pagode de la paix. Située de l’autre côté du lac, ce stupa bouddhiste a été construit par Nichidatsu Fujii pour inspirer la paix. N’hésitez pas à faire la traversée du lac en kayak ou en barque pour mieux profiter du calme et du paysage.

Petit tour en Kayak sur le lac de Pokhara

Bibliographie

Si vous partez sans guide, je vous conseille d’utiliser deux outils complémentaires pour l’orientation : Les cartes de randonnées et l’application MAPS.ME

  • Cartes de randonnée : Vous trouverez toutes les cartes de randonnée nécessaires à Katmandou dans le quartier de Thamel ou à Pokhara. D’une précision allant du 1/200 000ème au 1/50 000ème, elles sont suffisantes pour parcourir ces sentiers de montagnes.
  • L’application MAPS.ME : Cette application smartphone vous propose de télécharger des cartes qui seront disponibles hors connexion. Elles renseignent la majorité des sentiers de montagnes, ainsi que les lodges et les petits magasins ou refaire des provisions. Compatible avec le GPS de votre smartphone, c’est un excellent complément en cas de doute sur l’intersection à prendre, ou pour connaitre la distance jusqu’au prochain Lodge.

Attention : Cette application doit être complémentaire de la carte papier, et en aucun cas la remplacer. En cas de mauvais temps, ou manque de batterie, votre smartphone ne vous sera plus d’aucune utilité !

carte de trekking du circuit du Dhaulagiri au Népal

La traversée du Dhaulagiri et Gurja Himal : Wild Wild West

Tout commence avec un rêve

Il est de ces endroits que l’on regarde d’abord sur une carte, les yeux brillant d’envie d’aller explorer l’inconnu. On parcourt les lignes de crêtes et les profondes vallées, cherchant le passage le plus évident pour relier le point A au point B. Puis petit à petit le rêve prend forme, se transforme. Et ce n’est que lorsqu’on se retrouve les chaussures enfoncées dans le neige, le sac posé sur les épaules, qu’on comprend que la réalité n’est qu’un rêve qui s’est concrétisé.

Le soleil finit lentement sa course à l’ouest, plongeant entre les montagnes qui se reflètent dans le lac de Pokhara. Seuls les rires des enfants qui courent après le ballon et le doux clapotis des barques viennent troubler le silence de cet instant magique. Assis sur l’herbe des berges du lac, je laisse mon imagination s’envoler là-haut. Là où les cimes enneigées décident du destin des quelques fous qui s’y aventurent et où l’humilité devient une compétence vitale.

Vue sur le lac du Pokhara au Népal

Voilà deux jours que j’ai laissé mon père à l’aéroport de Katmandou après cette magnifique traversée du Langtang. Un moment partagé comme nous nous en offrons trop rarement, hors du temps et hors du monde. Me voici à nouveau seul, libre d’aller et venir comme bon me semble, mais de nouveau responsable de mes choix. Alors je recommence à faire comme chaque fois que je me retrouve dans cette situation : je rêve.

Le rêve d’une aventure, un trek en solitaire

Je rêve d’un nouveau projet, d’une nouvelle aventure pour succéder à la précédente. Quelque chose que je n’ai jamais fait et qui pourtant m’attire : marcher seul dans les Himalayas. Durant cette année de « break », j’avais déjà expérimenté le voyage en duo : avec Denis tout d’abord à l’Everest et aux Annapurna, puis avec mon père dans le Langtang et l’Helamnbu. Mais cette fois je voulais autre chose. Je voulais voir ce que c’était de marcher seul dans ces montagnes. Seul avec soi-même, ses pensées, ses idées, ses craintes et ses doutes.

C’est décidé, demain je pars cap à l’ouest : direction le Dhaulagiri et les vallées perdues. Le cœur heureux de mon choix, je plie la carte et pars trouver une pizzéria en prévision de ces prochains jours où le Dal baht, mélange de riz et de lentilles, constituera ma ration de base.

En plein rêve en contemplant les Himalayas

Les huit heures de bus sont passées comme une lettre à la poste. Un premier bus m’a amené jusqu’à Beni, puis le second s’est chargé des vingt derniers kilomètres de piste jusqu’à Darbang, petit village d’où je commencerai mon périple demain matin. Les ruelles sont animées et des nuées d’enfants me tournent autour. Une bande de jeunes surpris de me voir seul ici m’invitent à prendre le thé. Nous rigolons des choses de la vie, laissant la nuit envelopper doucement le hameau. Ici pas un touriste, les grands treks sont plus à l’est. C’est pour cela que je suis ici, pour renouer avec l’esprit de la découverte, seul dans un monde qui m’est inconnu. Je me couche tôt, impatient de connaître la suite des événements.

Du grain au flocon

Cela fait déjà une heure que je marche sur cette piste défoncée qui suit la vallée. J’avance à bon rythme malgré le sac alourdi par les kilos de provisions que j’ai emporté. Ici la donne change par rapport aux précédents treks. Pas de lodge à chaque étape et pas question de négocier le prix du Wifi, il n’y en a pas. Là-haut à proximité du camp de base il ne sera pas possible de se ravitailler, et il paraîtrait même qu’il faut une tente. Une tente ? C’est bien un truc que je n’ai pas dans ma panoplie du parfait randonneur. Tant pis, on s’adaptera.

Vue sur la vallée qui mène au Dhaulagiri

Enfin la vallée se sépare et s’ouvre au nord. Tout au fond les sommets enneigés servent d’arrière-plan pour ce panorama majestueux. Sur les flancs escarpés les cultures en terrasse façonnent le paysage. Ici chaque centimètre de terre est exploité pour la culture de l’orge ou du millet, aliment de base pour les habitants de la vallée.  L’air est encore frais ce matin. Dans les champs petits et grands sont à l’œuvre pour planter et entretenir. A déjà plus de trois heures de marche de la première route la montagne est vivante, habitée par des milliers d’âmes. C’est aussi cela la magie du Népal : le retour à une vie simple et rustique rythmée par les saisons.

Cultures en terrasse en fond de vallée au Népal

Au coeur de la simplicité

Ici les maisons n’ont pas souffert du terrible tremblement de terre de 2015 qui avait ravagé Katmandou et les montagnes alentours. Les maisons traditionnelles en pierre sont toujours debout et leur forme caractéristique est bien distincte des vallées plus à l’Est. La maison de forme rectangulaire est construite en pierre sur deux niveaux, surmontée d’un toit en pierres à quatre pentes.

Le rez-de-chaussée est entouré d’une espèce de terrasse protégée par un avant toit de lauze. C’est ici que les villageois profitent de l’ombre pour passer les heures chaudes de la journée. Les murs de l’étage sont souvent recouverts d’enduit et peints de deux bandes ocre et blanc. Devant la maison, une terrasse pavée permet de battre le grain et de tisser les vêtements. Rien ne semble avoir changé depuis des décennies, mis à part les chargeurs solaires qui pendent depuis le toit pour fournir le peu d’électricité nécessaire à l’alimentation des téléphones.

Maison traditionnelle du Dhaulagiri

Arrivée au village de Boghara

Les heures passent et je ne croise personne d’autre que les villageois. Quel plaisir d’être le seul fou à marcher pour marcher. Au fur et à mesure que je m’élève le chemin se fait plus abrupt et les centaines de marches qui relient un village à l’autre sont la seule option pour traverser ces pentes vertigineuses.

Il est 17h lorsque j’atteins mon objectif de la journée après 9h de marche : le village de Boghara. Posé à flanc de montagne, ce hameau de quelques dizaines d’âmes parait totalement déconnecté du monde. J’avise une maison où un vieux panneau indique « room ».  Un homme de la quarantaine approche et me baragouine en népalais. Heureusement, les trois mois passés dans le pays m’ont permis d’apprendre quelques rudiments, et je pose rapidement mon sac sur le matelas poussiéreux qui m’est proposé.

L’intérieur de la maison est spartiate : Des nattes sont posées sur le sol en terre battue. Pas de meuble à part une étagère qui contient quelques récipients et fournitures de cuisine. Au fond, incrusté dans le sol, le foyer permet de cuisiner le Dal bhat. Mon hôte plume un poulet pour préparer le diner tandis que d’autres hommes du village le rejoignent. Je reste là, observateur silencieux de la scène, profitant de ces instants de vie qui font la beauté du voyage.

Intérieur de la maison au village de Boghara au Népal
Le repas est servi dans le confort rustique d'une maison au village de Boghara

En route pour un nouveau village au Népal

Le ciel est bleu ce matin tandis que je descends allègrement les premiers lacets pour rejoindre l’autre rive. Cela fait déjà trois jours que je suis parti et malgré un bon rythme je suis toujours dans la forêt. La journée d’hier a été longue aussi. J’ai quitté les derniers villages pour m’élever le long de la vallée et trouver l’une des dernières habitations où passer la nuit. Ces bergers qui vivent au fin fond de la forêt m’impressionnent. A trois jours de marche du premier village, chaque petit problème peut vite devenir un vrai calvaire.

Maison en fond de vallée au Népal

J’arrive au niveau de l’endroit où je suis sensé traverser la rivière, mais soudain j’ai le cœur qui s’arrête : le pont de métal est complètement tordu, impraticable. En dessous la rivière gronde, furieuse et déchaînée. Je n’ai pas le choix, il faut passer par là mais la traversée me semble vraiment trop périlleuse. Je cherche à droite, à gauche et enfin me calme. En contrebas un petit pont a été reconstruit. Sauvé, je peux reprendre mon chemin.

Pont en métal périlleux pour traverser la rivière au Népal
L’aventure des ponts népalais

Au fur et à mesure que je monte la végétation se fait plus dense. Les champs en terrasse ont fait place à la forêt qui se transforme petit à petit en jungle. Je ne comprends pas ce qu’il se passe, normalement les étages de végétation suivent l’ordre inverse. Partout les troncs tordus barrent le chemin. Une épaisse couche de mousse verte fluo recouvre les bois et j’ai l’impression d’avancer dans un monde magique.

La jungle népalaise à 3000m d'altitude

Au bout de quelques heures je sors enfin des bois et prend pied sur la moraine glaciaire. A ma gauche j’aperçois les premiers contreforts du Dhaulagiri IV. Cette masse de roche et de glace s’élève sur plusieurs kilomètres au-dessus de ma tête et je sais que je ne vois pas encore le sommet principal.

Les contreforts du Dhaulagiri IV au Népal

Trek en solitaire au Népal: arrivée à l’Italian Camp

Tout est plus grand dans ces contrées. Chaque relief se dresse haut dans le ciel, et plus je monte plus je ressens la fragilité de mon existence. Nous sommes tout petits dans ce monde. Rien de comparable à la nature qui nous héberge, nous nourrit et nous fait vivre. Et pourtant je ne me sens pas en danger. C’est comme si la nature était aussi là pour me protéger. Je souris intérieurement, quittant le fil de mes pensées pour franchir un petit ruisseau et reprend ma route.

J’ai parlé trop vite. Dame nature se fout de ma théorie de la bienveillance. En quelques heures le ciel bleu a laissé place aux nuages noirs et je tente de rejoindre tant bien que mal l’Italian camp pour me réfugier avant la nuit. La neige a commencé à tomber et le froid se fait plus mordant.

Le temps se gâte dans le Dhaulagiri

J’arrive au camp en même temps qu’un hélicoptère. Une expédition charge le matériel pour l’emmener au camp de base. Je salue les sherpas qui ne me répondent pas, trop occupés à charger rapidement le barda dans le petit hélicoptère. Au prix à la minute, je les comprends. J’avise la propriétaire du camp pour lui demander de l’eau, mais elle me répond que tout est gelé. Si je veux trouver de l’eau, il me faudra monter plus haut.

L’hélicoptère monte les vivres pour l’expédition au Dhaulagiri

Je regarde ma carte : le « Swiss camp » n’a pas l’air trop loin. Une heure ou deux tout au plus. Je peux peut-être pousser jusque-là, me dis-je. Cela me fera économiser du temps pour demain si je veux pouvoir rejoindre le camp de base.

Je charge mon sac sur les épaules et reprend ma route sous la neige qui tombe de plus en plus dru.

Une inquiétude qui monte

Le problème des cartes au 100 000 ème, c’est qu’elles manquent de précision.  C’est quand je me retrouve en haut d’une énorme moraine glaciaire à traverser que je me rends compte que la route sera peut-être un peu plus longue. La dame m’avait dit que je trouverai de l’eau plus loin, je décide donc de descendre les pentes glissantes pour me retrouver sur la moraine et frayer mon chemin à travers ce chaos rocheux. Ici je suis sur la lune, le mauvais temps en plus.

Le relief alterne entre crevasses béantes et trous d’obus. La terre sableuse se dérobe sous mes pieds et je dois redoubler d’attention pour ne pas tomber. Plus je m’approche de l’autre rive, plus je sens l’inquiétude monter. C’est lorsque je prends pied sur la rive droite de la moraine glaciaire et que je commence à m’élever en suivant la trace en lacets que je comprends pourquoi ma gorge se nouait.

A cent mètre en dessous de moi, un gouffre béant engloutit la rivière qui descend du glacier et passe sous la moraine. Dans un vacarme assourdissant, les bouillonnement frappent le mélange de roche et de glace et s’enfoncent dans les entrailles de la terre. Et je suis là, cent mètres au-dessus sur une pente de terre glissante de quarante degrés. Un pas de travers et c’est la mort. Le vent qui souffle et la neige qui tourbillonne ne m’aident pas à me sentir au mieux, et je commence à hésiter.

La traversée maudite avec vue sur le gouffre au Népal

Conversation intérieure

  • Tu sais le faire, il n’y a rien de compliqué. Un pas devant l’autre, bien assuré et tu montes sans te poser de question.
  • Oui mais si je tombe je suis mort
  • T’inquiètes tu ne vas pas tomber.

La conversation va bon train à l’intérieur de ma tête. Mon cerveau reptilien, câblé pour me maintenir en vie vient de déclencher tout l’arsenal dont il dispose pour me faire faire demi-tour. Heureusement, les quelques heures de méditation passées ces derniers mois m’aident à comprendre que ce n’est qu’une histoire d’émotion. Si je prends le contrôle de ma tête, mes jambes suivront.

Je respire un bon coup et me concentre sur mes gestes. Je place mes pas fermement ancrés sur le chemin boueux de 30 cm de large. Encore quelques mètres et c’est fini je suis sorti d’affaire. Le sourire aux lèvres je me pose dans un renfoncement rocheux pour faire bouillir les quelques centilitres qu’il me reste et me préparer une soupe. Je suis à 3500 mètres d’altitude, perdu au bord d’un glacier dans la tempête, mais je suis vivant. Je sourie tandis que je verse l’eau frémissante dans mon verre.

La météo ne s’améliore pas et la visibilité baisse au fur et à mesure que j’avance. Heureusement le chemin est plus plat et je ne risque plus ma vie à chaque pas. Enfin j’aperçois une construction. Le Swiss camp doit-être là.

Arrivée au Swiss Camp

Mais de nouveau ma gorge se serre : au fur et à mesure que je m’approche, je m’aperçois que je Swiss camp est en ruine. Tout est défoncé, il n’y a plus de toit et les murs tombent. Il est dix-sept heure, impossible de faire demi-tour et je n’ai pas de tente. Si je dors dehors avec le vent et la neige je risque de passer une très mauvaise nuit. Je décide d’explorer plus en avant, mais après quinze minutes à ne rien voir je me résigne : les décombres sont bien ce qu’il reste du Swiss camp.

Heureusement, en fouillant les ruines je trouve de vieilles bâches et des couvertures. Je décide alors de me créer mon abri de fortune pour la nuit : J’utilise les poutres de la charpente que j’adosse au mur et recouvre des bâches et couvertures pour m’abriter. Le vent souffle toujours autant mais je réussis à construire quelque chose d’acceptable. Me voilà sauvé pour la nuit. Un petit aller-retour à la rivière en furie pour récupérer une eau maronnasse, je voulais de l’aventure, je suis servi ! Je m’emmitoufle dans mon duvet, priant pour que le temps tourne au beau pour le lendemain.

Mon abri de fortune au Swiss Camp au Népal
Intérieur de l'abri de fortune Swiss camp 5 étoiles

En direction du French pass

La tempête à fait place au ciel bleu. Pas un souffle de vent, je suis soulagé. Si tout va bien, je pourrais rejoindre le camp de base aujourd’hui et essayer de trouver où dormir. Fort de l’expérience de la veille je me suis imposé une limite. Si je ne trouve pas d’endroit où dormir avant 14h je ferai demi-tour. Il est trop dangereux de rester là-haut sans abri.

Le beau temps est revenu dans le Dhaulagiri

Après deux heures de marche dans un décor chaotique je rejoins un groupe avec leur guide. Ce sont des français eux aussi. Et quelle n’est pas ma surprise lorsque je m’aperçois que j’ai déjà rencontré leur guide il y a quelques mois au fin fond du Rolwaling, une vallée perdue à l’ouest de l’Everest. Les discussions vont bon train pour prendre des nouvelles tandis que nous progressons sur le glacier. Sur notre droite le Dhaulagiri se  découvre peu à peu, immense barrière de roc et de glace.

Les porteurs avancent sur le glacier au Népal

Nous rejoignons vite un gros groupe. Cette fois-ci c’est l’armée indienne qui remonte au camp de base après être descendu à cause de la tempête. Les gars me voient arriver seul et m’interrogent. Lorsque je leur explique mon projet ils me répondent dans leur accent indien typique :

  • You have guts !

Je ne peux m’empêcher de ressentir une certaine fierté lorsque ces gars qui prévoient de monter à 8000m me considèrent comme cela.  

En plein coeur des sommets enneigés de l'Himalaya
Héros des Himalayas

Arrivée au camp de base

Il est midi lorsque j’arrive au camp de base. De nombreuses tentes sont installées, entre les expéditions qui viennent d’arriver pour tenter l’ascension et les groupes de randonneurs qui font le tour du Dhaulagiri. Il me faut maintenant trouver une tente pour passer la nuit. Je fais le tour des randonneurs d’abord, mais pas de place. Je me tourne du côté de l’armée Indienne, mais je ne reçois que des réprimandes :

  • Tu es fou d’être venu ici sans tente, c’est vraiment dangereux. Et on ne peut pas t’accueillir en tant qu’armée.

Cela commence à sentir mauvais. Il ne me reste plus qu’une expédition qui a posé son camp quelques centaines de mètres plus haut : Dreamland Expedition.

Le camp de base dans les sommets himalayens

Recherche d’une tente pour la nuit

Je m’approche de la tente mess ou les sherpas préparent le matériel pour le lendemain. Timidement je demande s’ils ne pourraient pas m’héberger. Même rengaine, je me fais traiter d’inconscient. Mais apèrs m’avoir réprimandé, Mingma Galdjé, le chef d’expédition me demande :

  • Pourquoi devrais-je t’aider ?
  • Parce que je crois  que les gens de la montagne peuvent s’entraider, je réponds du plus naturellement.

L’air est suspendu l’espace d’un instant, puis le visage de Mingma se détend.

  • Tu as de la chance on a une tente de libre. Sonam va te la montrer puis tu iras te restaurer à la cuisine.

Je suis l’homme le plus chanceux du monde ! Dreamland Expedition m’offre une tente tout confort avec un véritable matelas, et j’ai en plus la chance de manger avec les sherpas. C’est bombance ce soir : saucisson, chocolat, légumes et dal baht. Les sherpas insistent pour que je mange encore et je ne peux refuser.
Je découvre que Mingma Galdjé est également natif de la vallée du Rolwaling et qu’il est en course pour l’ascension des quatorze 8000 sans oxygène. En plus d’avoir un grand cœur, l’homme a une sacrée constitution. Après quelques paroles échangées je rejoins ma tente pour un sommeil réparateur.

Mingma Galdjé, l’homme aux 8000 sans oxygène

Réveil difficile

Le soleil n’est pas encore levé lorsque je sors de ma tente pour retrouver les sherpas à la cuisine. La nuit a été froide et le réveil est difficile. Les visages sont concentrés tandis que nous avalons la bouillie qui nous sert de petit déjeuner. Pour ma part je me dirige vers le French pass qui culmine à 5400 mètres, mais eux partent pour installer le camp au Dhaulagiri.

Deux alpinistes : un Turc à huit doigts et une jeune chinoise ont payé pour s’offrir cette ascension et l’équipe doit préparer les cordes fixes pour les monter au camp I. Leurs sacs pèsent 25kg au bas mot et ils partent pour une grosse journée. Je respecte énormément ces hommes qui dédient leur vie à la montagne. Ce sont eux les vrais héros de la montagne.

Préparation matinale au Népal dans les sommets de l'Himalaya

Départ du camp de base

Il est 6h30 lorsque nous quittons le camp, chacun de notre côté. Mingma fait une prière rapide puis se tourne vers moi.

  • Take care, me dit-il avec toute la bienveillance qu’il puisse
  • You too. Je le remercie encore une fois pour son accueil, puis nous prenons chacun notre direction.
Les sherpas s’équipent pour installer le camp

J’avance à bon rythme dans la neige, mais très vite de fortes crampes d’estomac viennent me ralentir. L’eau du glacier au Swiss camp n’a pas du bien passer. Je prends le temps de récupérer, puis repart de plus belle, seul dans cette immensité blanche.  Il est 9 heures lorsque j’atteins le col. La vue est fabuleuse : face à moi, le Dhaulagiri, maitre des lieux, impose par ses dimensions.

Tout en bas je vois la trace de mes amis partis installer le camp I. Moment d’émotion, j’ai réussi mon sommet à moi, seul. L’instant est magique. Lorsque l’on ne cesse d’avancer, même à petits pas, on finit forcément par atteindre ses rêves. Seul, là-haut, je prends conscience que les difficultés rencontrées sont là pour rendre ce moment encore plus savoureux.

Vue sur les sommets himalayens au Népal
Arrivée fabuleuse au french pass

La descente est plus rapide que la montée et c’est avec plaisir que je croise les groupes de randonneurs qui montent à leur tour. Une petite collation chez mon « master chef » et je reprends la route en direction de l’Italian camp. La météo se gâte à nouveau. L’ambiance est mystique, seul sur cet immense glacier. Je fais attention à chaque pas, conscient que personne ne pourrait venir me chercher en cas de pépin. C’est sans encombres mais épuisé que je rejoins la civilisation.

Les porteurs rejoignent le french pass sous l’œil imposant du Dhaulagiri
Repas bien mérité après cette ascension d’anthologie
Seul dans l’immensité de glace et de roche

Arrivée à Tatopani

Je profite de ces quelques jours de retour dans la vallée pour profiter des attractions locales. En contrebas je rejoins Tatopani, littéralement « sources chaudes » pour profiter d’un bain bien mérité. Je tombe en plein bain des femmes mais celles-ci m’invitent à les rejoindre. Ni une ni deux je me déshabille et plonge avec délectation dans cette piscine à 40°C. La  suite de la journée est plus compliquée, l’eau chaude ça coupe les jambes, mais je rejoins tant bien que mal le village de Boghara que j’avais laissé quelques jours plus tôt.

Source chaude à Tatopani au Népal
Petite maison dans le village au Népal
Retour à la civilisatio au Népal

Gurja Kani

Il est huit heures trente lorsque je repars, la « grasse matinée » a fait du bien. J’ai pour plan de couper à travers la montagne pour rejoindre la vallée qui mène à Dhorpatan. Mais malgré mon sens de l’orientation, je fini par m’égarer au milieu de champs perdus dans la montagne. Personne à l’horizon pour m’indiquer le chemin et une barre rocheuse m’empêche de redescendre à la rivière pour la traverser.

Chemin abrupt dans l'Himalya au Népal

Quand bien même je rejoigne cette rivière, je ne vois pas le pont qui me permettra de passer sur l’autre rive. Après une heure à tourner en rond, je croise une vieille dame qui me montre le chemin : une petite sente quasi invisible descend dans la barre rocheuse et mène à un passage à gué. Impossible à trouver seul, je me retourne et la remercie. Du haut de la falaise, elle joint les deux mains en prière comme pour me souhaiter la bonne fortune pour la suite de mon périple. La vie a ce petit quelque chose de magique : lorsque l’on croit profondément en sa bonne étoile, elle se manifeste sous des formes inattendues pour nous permettre d’avancer sur notre voie.

Le petit coup de pouce du destin dans les montagnes de l'Himalaya

 Les heures qui suivent ressemblent aux montagnes russes : montées descentes et remontées rythment cette longue journée et je me hâte pour trouver un village avant la tombée de la nuit. Juste au coucher de soleil, un jeune fermier m’invite à prendre le thé. Comme son sourire m’inspire j’accepte volontiers. Après quelques minutes de discussion, ce fermier/professeur m’est tellement sympathique que je décide de rester dormir chez lui. Il me préparera un Dal Baht des plus goûtu avant que je ne sombre d’épuisement.

La rencontre fortuite d’un fils et sa mère au Népal

Trek en solitaire : Prochaine étape Gurjakani

La routine du marcheur solitaire s’installe peu à peu tandis que j’avance vers ma prochaine étape : Gurjakani. Ici nous sommes moins en altitude et les versants sont cultivés. Partout les familles vaquent dans les champs. Petits et grands sont à l’œuvre pour permettre à chacun de subvenir à ses besoins. La vie est rude mais simple et je prends plaisir à rendre les sourires aux enfants que je croise.

Le village de Lulang, enchâssé dans la montagne
Une grand-mère vaque aux champs au Népal

Au fur et à mesure que je monte, les rhododendrons se font plus nombreux. Mais ici, dans ce pays de démesure, chaque buisson est en fait un arbre pouvant atteindre dix mètres de haut. Le rouge des fleurs colore toute la montagne et je prends plaisir à observer chaque fleur, chaque arbre. 

Les enfants ramènent du fourrage pour les bêtes
Les rhododendrons colorent le chemin dans les sentiers du Népal

Enfin après avoir passé un énième col j’aperçois Gurjakani, le « village caché ». Enchâssé sur les flancs du Gurja Himal qui culmine à plus de 7000 mètres, ce petit village est le plus isolé que j’ai eu l’occasion de voir. J’avise un lodge et je pose mes affaires, épuisé mais heureux. Demain je me repose. Les derniers jours ont été intenses et j’ai besoin de reprendre des forces pour la suite.

Gurjakani  le village caché lors de mon trek en solitaire

Trek en solitaire : Nouvel-an népalais.

Il est neuf heures lorsque j’émerge de mon duvet. Je suis complètement cuit et le corps me le fait savoir. Aujourd’hui ce sera tourisme et repos. J’ai de la chance, nous sommes en plein nouvel an népalais. Aujourd’hui nous sommes en 2076. J’ai pris 60 ans d’un coup, mais je ne me porte pas si mal pour un vieillard de 93 ans ! Le village est magnifique, tout droit sorti du moyen âge.

L’électricité est arrivée il y a peu mais l’architecture est restée la même qu’il y a des siècles. Je déambule çà et là, bavardant avec les femmes, regardant les enfants jouer, puis allant participer au concours de tir à l’arc organisé par les hommes. Malgré le fait que je me débrouille, mon égo en prend un coup. La cible installée à quarante mètres est trop petite pour moi. Les hommes rivalisent d’adresse et s’approchent de plus en plus du centre. Le village est en liesse et je profite avec bonheur de ce jour de repos.

Les villageois le jour de l'an au Népal
Les hommes du village au tir à l'ar pendant le nouvel an népalais
Les villageois népalais profitent du nouvel an

J’ai suffisamment récupéré pour reprendre la route, direction Dhorpatan. On me propose un guide mais je préfère ma liberté quitte à me perdre. J’ai réussi à arriver ici tout seul, je trouverai bien mon chemin pour repartir. La montée est fastidieuse mais la récompense en valait le coup.

De nouveau arrivé à plus de 4000 mètres d’altitude, je découvre l’un des panoramas himalayens les plus beaux qu’il m’ait été donné de voir. Sur 180° les montagnes gigantesques s’offrent à moi, des Annapurna au Churen Himal en passant par le Dhaulagiri. L’émotion est intense et je prends le temps de savourer ces derniers instants avant de redescendre plus bas.

Le  village de Gurjakani dans l’ombre matinale
Les sommets himalayens se dévoilent entre les rhododendrons

Ambiance plus austère

De l’autre côté l’ambiance est plus austère. Les nuages ont refait leur apparition et je descends dans des alpages entourés de buissons piquants. J’avise une maison habitée et demande le gîte. Je serai hébergé avec les poules, mais je crois que c’est un traitement de faveur : la famille vit dans une crasse qui transforme la pauvreté en misère. De toutes les maisons que j’ai pu visiter, jamais aucune ne m’avait encore fait sentir cette émotion. J’en viens à me demander si l’homme lui-même ne s’impose pas les conditions de sa propre misère. Quoi qu’il en soi, je suis tellement fatigué par ces dix jours de voyage que je m’écroule, poule ou pas poule.

Ambiance lugubre de l’autre côté de la vallée

Conclusion de mon trek en solitaire : retour à la civilisation

La jeep est bondée : douze personnes sont entassées comme du bétail pour les 10 heures de trajet qui nous relient à Pokhara. Je n’imaginais pas que la partie la plus dure du voyage serait celle-ci. Les deux derniers jours ont été l’occasion de me ré-imprégner petit à petit de la civilisation. La vallée menant à Burtibang n’a pas dû voir un touriste depuis des années mais la piste, elle, monte inlassablement au rythme des tractopelles qui retournent la montagne.

Désenclavement, accès aux bienfaits de la civilisation me dit-on. Même si je prends avec philosophie cette évolution du monde et comprends l’envie de ces gens de se rapprocher de l’humanité, je ne peux m’empêcher d’avoir un brin de nostalgie à l’idée que ces vallées préservées sont en train de perdre leur charme d’antan. Alors pour laisser passer cette douce mélancolie, je ferme les yeux et repense aux sourire des enfants qui se balançaient sur la grande roue « faite maison » et me dit :

  • l’humanité est capable de belles choses lorsqu’elle réfléchit avec son cœur. C’est sur ce côté de la pièce que je décide de parier.
La grand roue locale au Népal
Dans la "bétaillère" du camion au Népal

Matériel utilisé durant mon trek en solitaire au Dhaulagiri

Vêtements amenés lors de mon trek en solitaire dans le Dhaulagiri :

CatégorieNom du modèleMarquePourquoi avoir fait le choix de ce modèle au départEst ce que ce choix a répondu à cette expérience de trek en solitaire au Népal  Si c'était à refaire 
Sac à dosKhumbu 65 + 10MilletContenance/ accessoirisationun grand sac bien pensé pour ce type de randonnée en autonomie sur plusieurs jours. La bonne résistance de son tissu m'a permis de passer les 12 jours sans m'inquiéter.
Néanmoins son poids est un handicap. A tester en enlevant les barres métalliques qui rigidifient mais alourdissent l'ensemble
Si c'était à refaire je choisirai le sac ArcTeryx Alpha 45 (lot concours "raconte ton experience outdoor" 2018). Avec ses 600g et son tissu à toute épreuve c'est le sac le plus versatile que j'ai eu l'occasion d'avoir. Merci le Yéti !
ChaussuresSherpa GVAsoloRigidité / TechnicitéDe super chaussures que je porte depuis presque 10 ans. Elles m'ont suivi dans toutes mes randonnées dans les Himalayas. Par contre leur age leur fait perdre de l'accroche et de la thermicité. Il est temps de les changer !Pour une randonnée sans passages techniques comme celle-ci, j'opterais plutôt pour une chaussure plus légère type Asolo Drifter GV
ChaussettesTrekking Merino LightSIDASChaleur / Lot concours "raconte ton experience outdoor"Ces chaussettes ont bien fait leur travail. Chaudes et sans point de frottement, rien à redireJe reprendrai les mêmes
ChaussettesDouble midSIDASChaleur / Lot concours "raconte ton experience outdoor"Le concept de double couche, intéressant sur le papier se révèle être une galère lorsqu'il s'agit d'enfiler les chaussettes. Pas facile de trouver l'ajustement parfait, et gare aux plis dans la chaussure !Je les remplacerai par une seconde paire de Trekking Merino Light de Sidas
GantsSoloist FingerBlack DiamondChaleur (j'ai très vite froid aux extrémités)
Technicité
Mes moufles ont encore une fois fait le travail aux moments ou j'ai eu besoin de chaleur. Rien à redire, j'ai toujours eu les doigts au chaudJe reprendrai les mêmes
Sous gantsForclaz soieQuechuaChaleur
Finesse
Prix
Bon apport de chaleur mais sous gant trop fragile. Les extrémités des doigts s'abiment vite et font des trous.Je choisirai des sous gants de construction plus solide type Gloves Liner ICEBREAKER
Lunettes de soleilThe crushQuicksilverCatégorie 3Lunettes bien enveloppantes et filtrant bien les UV. Petit hic, elles s'embuent rapidement lors d'un effort importantJe prendrai des lunettes plus typées sport montagne pour éviter le désagrément de la buée (type julbo Bivouak)
Collant nuitNew samuelMc kinleyChaleurCollant qui a parfaitement rempli sa fonction : bon gain de chaleur pour dormirJe prendrai le même
DoudouneUltralight down shirtPatagoniaLot concours "raconte ton expérience outdoor"
Légèreté
Technicité
Respirabilité
Une doudoune pour 167g ! Le rêve. Et en plus d'être légère, elle a bien rempli son office d'apport de chaleur lors des phases de marche par temps froidJe prendrai la même.
DoudouneKelvinator HoodedMoutain HardwearChaleur
Il peut faire très froid dans les Himalayas, et une grosse doudoune comme celle-ci est un vrai régal lorsque le soleil se couche. Avec sa capuche qui couvre bien la tête, je n'ai pas eu froid une seule secondeJe prendrai la même.
Veste alpinismeTrilogy GTXMilletLégèreté
Technicité
Respirabilité
Cette veste au poids plume m'a accompagné sur tous mes treks au Népal, et a parfaitement relevé le défi des températures négatives. En combinaison avec la doudoune, impossible d'avoir froid, que ce soit en journée ou le soirJe reprendrai la même
SoftshellSolution HoodyBlack DiamondLot concours "raconte ton expérience outdoor"
Légèreté
Technicité
Respirabilité
Cette softshell est vraiment légère et chaude, avec une capuche pour ne pas avoir froid à la tête. Elle m'a accompagné pendant les 12j du trekJe reprendrai la même
T shirt techniqueCold gear men's evo mockUnder ArmourChaleur
Respirabilité
Mon under armour me suit partout depuis plus de 8 ans, m'apportant toujours chaleur et respirabilité. Il était logique qu'il me suive encore une foisJe le remplacerai par une sous-couche Icebreaker en mérinos (lot concours "raconte ton expérience outdoor" 2018) pour éviter les odeurs et pour plus de douceur.
Pantalon randonnéeRossignolLégèreté
Technicité
Respirabilité
Ce pantalon de rando m'accompagne partout. Pratique avec la possibilité d'en faire un short, il sèche vite et est léger. Il manque juste une ceinture et le bouton a tendance à sauterJe prendrai sûrement un pantalon du même style (avec option short) mais plus stretch
T shirt techniqueTechfresh 50QuechuaPrixTshirt technique à un prix imbattable. Aucun problème d'irritation , sèche vite et remplit bien ses fonctions. Seul problème, le synthétique garde les mauvaises odeursJe prendrai plutôt un Tshirt en laine mérinos (type MC TechWOOL Speed de quechua) pour éviter les désagréments de l'odeur sur un treck de plusieurs jours

Matériels spécifiques et images pris pour ce trek en solitaire

CatégorieNom du modèleMarquePourquoi avoir fait le choix de ce modèle au départEst ce que ce choix a répondu à cette expérience de trek en solitaire au Népal  Si c'était à refaire 
BatonsUltra distanceBlack DiamondLot concours "raconte ton expérience outdoor"
Poids
système de pliage
De super bâtons ultralight qui m'ont encore suivi sur ces 12j de trek. En main on ne les sent pas, et le système de rpliage est vraiment pratiqueJe reprend les mêmes sans hésitation
Altimètreon gu'up 700QuechuaFiabilité
Prix
Le même capteur que sunnto pour moitié moins cher. Pourquoi s'en passer? Cet altimètre remplit toutes ses fonctions et s'avère d'une excellente précision. Robuste et fiable, c'est tout ce qu'on peut lui demander.Je reprendrai le même
Appareil photoRX-100SonyCompact
Poids
Capteur de reflex
Un petit bijou cet appareil. Ouverture de 1,8 à 11, un capteur de réflex et un mode débrayable permettant de faire des photos plus belles les unes que les autres. Le must pour ceux qui recherchent une qualité d'image de reflex dans un compact robuste et léger. Très bon comportement de la batterie malgré le froid (4 jours sans recharger)Je reprendrai le même.
TrépiedTripod maxiSomikonVersatilité
Légereté
Super trépied léger, robuste et modulable. On peut l'accrocher partout et proposer des cadrages originaux.Je reprendrai le même

Matériels de bivouac utilisés lors de ce trek

CatégorieNom du modèleMarquePourquoi avoir fait le choix de ce modèle au départEst ce que ce choix a répondu à cette expérience de trek en solitaire au Népal  Si c'était à refaire 
FrontaleTikka 2 plusPetzlDifférents modes
Puissance
Le mode lumière rouge est pratique au réveil et au petit déjeuner pour ne pas réveiller les autres. Eclairage classique suffisant pour les départs au lever du jour et en refugeJe prendrai peut être un modèle un peu plus puissant (type myo rxp) pour mieux trouver ma route dans ces grandes vallées
ServietteServiette de randonnéeQuechuaCompacitéCette petite serviette en microfibre se faisait oublier dans le sac pendant la marche, mais était bien utile pour la douche. Sèche très rapidement. Ella a le défaut de son avantage : très petite, trop petite ?Je prendrai la même, même si sa petitesse ne permet pas de tout cacher lorsqu'on sort d'une baignade sous une cascade.
Sac de couchagePanyam 600CumulusChaleur
Légèreté
Un confort à -8°C pour 1kg. Quoi de mieux pour parcourir les hautes vallées des Himalayas. Le sac de couchage a parfaitement rempli son rôle, même dans des situaitons "extrèmes"Je reprendrai le même
Drap de soieQuechuaChaleur, hygièneLe drap de soie a fait son boulot : il a protégé le sac de couchage de la saleté.Je reprendrai le même
RéchaudExpressPrimusPoids / EfficacitéUne grosse puissance de chauffe pour un poids ridicule. Le parfait allié pour chauffer sa soupe en montagne. Fonctionne très bien en haute altitudeJe reprendrai le même, tout en sachant qu'il faut le nettoyer de temps en temps pour qu'il ne s'encrasse pas

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6 commentaires

Jérémie 28 juin 2019 - 18 h 27 min

Si vous voulez en savoir plus n’hésitez pas à me contacter !

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Camille 19 septembre 2019 - 22 h 01 min

Salut,

Je pars dans qlq jours faire ce trek, je serais seule.

Le fameux passage dangereux m inquiète un peu… Peux tu m en dire plus stp ?

En ce qui concerne la progression sur glacier, les crevasses sont elles bien visibles ou ça craint quand même ?

Merci de ta réponse,

Si tu es OK pour me tel, voici mon numéro 0652248473

À bientôt,

Camille

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Jérémie 30 septembre 2019 - 14 h 23 min

Bonjour Camille,
Si tu es seule seule je te conseille une tente et d’avoir une certaine expérience de la montagne et de la haute montagne.
Le passage dangereux passait bien en restant attentif. Il se peut qu’ils l’aient modifié pour le rendre plus accessible depuis. La montagne bouge pas mal et chaque année l’itinéraire change.
Sur le glacier il n’y avait pas de grosses crevasses car on est sur un « glacier sec ». Un mix de roche et de glaces. Par contre ça peut être paumatoire, l’idéal étant de passer derrière un groupe.

En espérant que ça puissae t’aider. Profite bien c’est un coin magnifique !

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Hardy 10 janvier 2020 - 11 h 14 min

Bonjour,

As-tu utilisé un télépgone satellite pour les infos meteo ou tu t’es informés auprès des personnes croisées ?
Tu conseillerais d’avoir des crampons ? Est-ce que les passages sur glaciers présentent des crevasses et nécessitent un encordement + piolets ?
As-tu une trace GPX a partager ?

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COINON 13 janvier 2020 - 10 h 25 min

Bonjour Hardy,

Je suis parti en minimaliste car cette traversée n’était pas planifiée au départ et j’étais en voyage pendant un an.
Je n’avais donc pas de téléphone satellite pour la météo, pas de GPS pour faire une trace ni de matériel de glacier approprié.

Par contre j’utilisais Maps.me (très utile) en mode hors connexion pour ma route. Pour la météo, je me renseignais auprès des personnes croisées.

Pour le glacier pas de soucis, c’est un glacier sec et pas de crevasses donc pas besoin de piolet ni crampons. La trace de tout le début est classique, c’est le tour du Dhaulagiri comme le proposent les agences. Pour la suite tu peux regarder les cartes du Dorpatan et prendre le chemin qui mène à Gurjakhani.

En espérant que cela puisse t’aider. Bonne continuation.

Jérémie Coinon

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Elmouatassim 8 avril 2022 - 13 h 06 min

Merci pour le récit ! J’ai fait la traversé en 2016 et 2019 et j’ai envie d’y retourner 🙂

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