Frédéric HEYMES nous partage son expérience d’expédition au Dhaulagiri
Informations pour préparer l’ascension du Dhaulagiri
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Introduction
« Dhaulagiri » peut être traduit simplement par « La montagne blanche ». C’est une magnifique masse de forme pyramidale, élégante par sa blancheur, la pureté de ses lignes et ses arêtes élancées. De quoi donner envie de partir à sa rencontre ! Pour nous, il s’agit d’un des sommets de 8000 mètres les plus beaux, certes moins imposant que le K2 mais l’isolement du Dhaulagiri en fait un prince local n’ayant pas à rougir de n’être que le 7ème sommet du monde.
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Date et lieu du voyage
L’expédition a eu lieu du 4 avril au 19 mai 2013 (46 jours) au Népal. Le Dhaulagiri ne fait pas partie des 8000 couramment proposés par les agences françaises. En France il n’y a guère que Ludovic Challéat et Paulo Grobel qui aient tenté son ascension récemment. Il est au programme de grosses agences comme Jagged Globe, Amical Alpin par exemple. Nous sommes partis avec une agence locale Népalaise, Monte Rosa. Très bonne agence que je conseille.
Le Dhaulagiri est une montagne réputée difficile du fait de la raideur des pentes (jusqu’à 65°), du mauvais temps très fréquent, des risques importants d’avalanche. Avant de partir au Dhaulagiri, bien lire le compte rendu de François Marsigny pour savoir ce qui se passe sur cette montagne. J’en profite pour rendre hommage à Chantal Mauduit, disparue sur les pentes du Dhaulagiri en 1997.
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Participants pour l’expédition au Dhaulagiri
Claire David – Claude Labatut – Frédéric Heymes – Arnaud Pasquer
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Avion
Vol pour Katmandou. Nous sommes partis avec Air India, compagnie assez économique. Mon sac de soute a été perdu au retour mais retrouvé après 12 jours d’attente. Le prix du visa a augmenté (100 euros) et peut être pris facilement et rapidement à l’arrivée à l’aéroport sans surcoût. Nous avons envoyé pas mal de fret aérien car il est impossible de tout faire passer dans les bagages de soute.
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Katmandou
Magnifique, vivante, colorée mais polluée et stressante dans Thamel (quartier des touristes). Les Népalais sont honnêtes et formidables. Prévoir au moins deux jours pour visiter les principaux lieux de Katmandou. L’Everest Beer est divine après 6 semaines en montagne….
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Trek d’approche
Le trek du Dhaulagiri est magnifique, avec de superbes chemins aériens et de belles forêts de rhododendrons. Le passage du Dhampus Pass (= Thapa Pass) donne des vues splendides sur le massif des Annapurnas, les Nilgiri et le Dhaulagiri. Les villages sont authentiques mais avec peu de lodges ou points de ravitaillement.
Le trek est également réputé difficile, car certains passages sont délicats et il n’y a plus rien (nuit sous tente) pendant trois jours consécutifs : la montée au camp de base du Dhaula, le passage du French Pass vers la Hidden Valley, le passage du Dhampus Pass pour descendre vers Marpha. A noter que de la neige fraiche peut empêcher de monter vers le camp de base et bloquer le passage des deux cols. Le départ du trek est Dharapani, magnifique village ou le Dahl Baht est excellent ! Les mules ne peuvent monter au camp de base à cause des passages techniques, il faut donc embaucher des porteurs. Il faudra en faire venir beaucoup de Katmandou ou Pokhara, ce qui fait que le Dhaulagiri est un 8000 plus cher que le Manaslu par exemple (transport des charges par mules jusqu’à Samagaon).
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Ascension du Dhaulagiri
Nous avons choisi de monter par l’arête NE, itinéraire classique. L’itinéraire comprend les points suivants :
L’icefall s’évite rive gauche en profitant des pentes situées sous le Petit Cervin (pentes neige/glace/mixte bien raide 65°). A équiper en cordes fixes car il faudra passer souvent par là. Ce passage est connu comme étant dangereux à cause des risques d’avalanches venant du Petit Cervin.
Remonter la combe jusqu’au col et poser le camp 1 (5800m) soit au col (pas de risque d’avalanche mais exposé au vent) ou sous un sérac plus près de l’arête (bien protégé, à part le sérac lui-même !). Il y a de nombreuses crevasses dans cette combe et on passe plusieurs fois sous des séracs ou couloirs d’avalanche en montant. C’est une grosse journée, partir bien tôt (2H du mat) pour réduire les risques sous le Petit Cervin et ne pas marcher dans la chaleur écrasante.
Contourner les séracs et crevasses en se dirigeant vers l’arête et s’y engager. La pente se redresse petit à petit. Le camp 2 doit être posé le plus haut possible, sous un sérac ou sur l’arête, à voir selon la nature du terrain pour l’année en cours. Ici aussi c’est avalancheux. Poser le camp à 6800 mètres.
Remonter l’arête qui peut être plus ou moins enneigée, avec fréquemment des sections en glace. C’est raide (50°) et très exposé au vent. Poser le camp 3 vers 7400m à l’endroit où l’itinéraire quitte l’arête pour rejoindre le glacier suspendu.
Par une traversée exposée au risque d’avalanche et à la glissade, rejoindre le couloir menant près du sommet. Si le risque d’avalanche est important, on peut également monter plus haut avant de traverser juste sous les rochers de la crête. Le bon couloir est repérable grâce au rognon rocheux situé à son entrée. Ce couloir est raide et parfois bouché par une grosse corniche, ou en glace. Un autre couloir plus loin est plus facile mais crée un détour.
Arrivés à l’arête, remonter sur une centaine de mètres l’arête facile.
Dhaulagiri sommet « à portail »
Je tiens à expliquer que le Dhaulagiri est un sommet « à portail ». C’est-à-dire que toute montée ou descente se fait en passant sous le Petit Cervin, qui devient dangereux dès qu’il a un peu neigé (avalanches) ou qu’il fait trop chaud (pierres). Ce passage est comme un portail qui peut être ouvert ou fermé selon les conditions de neige. Dans toute stratégie il faut donc en tenir compte, est ce qu’on pourra passer par là à la montée ET à la descente ?
Un soir au camp 1, il a commencé à neiger sérieusement, nous devions descendre tranquillement le lendemain après une journée d’efforts à fixer des cordes. Nous avons décidé de tout remballer rapidement et de filer vers le bas à la nuit tombante: le portail sera très probablement fermé le lendemain et quand pourrons-nous alors descendre ? Autre point, il est très utile d’avoir un contact au camp de base pour qu’il puisse dire dans quel état est le Petit Cervin, invisible en descendant tant qu’on n’est pas dessous !
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Bibliographie
Pas grand-chose sur le sujet, mais quand même :
« La magie des huit mille, Les quatorze sommets les plus hauts de la Terre » de Marco Bianchi (2009), National Geographic Editions, ISBN 2845823002
« All Fourteen 8,000ers » de Reinhold Messner, (1999), Mountaineers Books, ISBN 0-89886-660-X.
Vous trouverez plein d’informations sur le Népal avec le guide de voyage Lonely Planet.
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Site Web
Des sites perso, des vidéos youtube mais surtout le nôtre !
Expédition au Dhaulagiri
Gros morceau que ce Dhaulagiri !! Quand on se rend compte que de grands alpinistes comme Profit, Mauduit, Lafaille, Damilano, Grobel, Challéat et Marsigny ont renoncé au sommet, on se dit bien que ce sommet ne sera pas une montagne à vaches. Sans compter que le Dhaulagiri était également l’objectif principal de l’expédition française de 1950 qui finalement s’est reportée sur l’Annapurna jugeant que le Dhaulagiri est imprenable ! La première de ce sommet a d’ailleurs été réussie en évitant le passage du Petit Cervin en se faisant déposer en avion près du col !
Mais ce sommet est si beau, si sauvage, qu’il faisait rêver Claude depuis de nombreuses années et je n’ai pas eu de mal à entrer dans ce rêve malgré la décision que j’avais prise de ne plus tenter de 8000. En plus de cela j’étais tout excité à l’idée de suivre les traces de l’expédition française de 1950. J’avais lu « Annapurna premier 8000 » et les mots comme la Hidden Valley, le French Pass faisaient encore écho en moi.
Il fallait absolument constituer une équipe forte pour ce projet.
Arnaud rentrait d’Afghanistan (Noshaq) et rêvait de repartir sur un 8000, Claude piétinait d’impatience depuis le Manaslu il y a 3 ans, Claire avait fait une coupure perso depuis sa dernière expé au Lhotse et avait les crocs de repartir sur un 8000, je rentrais du Kazakhstan (Khan Tengri) et je me demandais ce que j’allais faire ensuite. Bonne équipe, bien expérimentée puisqu’à nous 4 on totalisait 27 expés dont 12 sur des 8000 !
Le Dhaulagiri est une montagne peu fréquentée et nous espérions ne pas être seuls face au colosse. Une petite équipe de 4 s’épuise vite en traçant dans la neige profonde ! Lorsque la grosse expédition américaine prévue cette année s’est désistée par faute de budget, nous avons commencé à penser que la lutte allait être ardue et qu’il allait falloir cracher les poumons pour avoir une chance de fouler le sommet… enfin on verra bien au camp de base.
L’approche vers le Dhaulagiri
Le trek d’approche a été un émerveillement, comme à chaque fois. Faire un sommet au Népal c’est aussi et surtout faire de beaux treks dans de magnifiques paysages et avec de sympathiques Népalais. Et notre cuisinier méritait bien une étoile au guide des cuisines d’expé ! Petits ajustements nécessaires et vite réglés entre les étapes très courtes proposées par le sirdar (chef des porteurs) et notre envie de monter le plus vite possible au camp de base.
Distribution de crayons de couleur aux écoles rencontrées en chemin, mais ne pas pourrir les enfants en leur apprenant que la mendicité paie. Heureusement les habitants des vallées du Dhaulagiri n’ont pas encore été pervertis par le tourisme de masse.
Arrivée au camp de base après avoir remonté le long glacier du Dhaulagiri par une belle journée ensoleillée. A partir de maintenant, tout change. Déjà l’équipe se réduit : 4 trekkeurs nous avaient accompagnés et continueront vers le French Pass. C’est avec de la tristesse que nous les verront partir 2 jours après notre arrivée au camp de base.
Mais aussi, les choses sérieuses commencent. Bonjour le froid des 4700 m du camp de base, l’usure de l’altitude et des conditions difficiles. Et surtout, monter en altitude et porter les camps, équiper certaines sections en cordes fixes, rester prudents malgré l’envie impérieuse d’aller au sommet. Le travail va être usant, nous n’avons ni oxygène, ni porteurs d’altitude.
Première phase d’ascension : des Français et des Polonais sur une grande montagne
Bonne nouvelle, nous trouvons l’équipe nationale polonaise d’alpinisme au camp de base. Ils sont costauds (Broak Peak et Hidden Peak en hiver, K2, Everest, Lhotse) et nombreux : 8 alpinistes. Leur budget est conséquent (cela se voit avec leurs vêtements très sponsorisés et leur tente mess de luxe, le stock de nourriture importée) et nous avons l’impression d’être des mendiants à côté d’eux. Le contact est excellent malgré notre impression d’être des novices à côté d’eux. En fait, et contrairement à leur manière de nous considérer avec respect, nous nous forgeons nous même l’impression de pas être à leur niveau et nous aurons à cœur de leur montrer que nous ne dépendons pas d’eux pour notre réussite.
Collaboration
Commence alors le délicat jeu de la collaboration, compromis entre une volonté et nécessité de monter ensemble, rappeler à l’ordre ceux qui pourraient attendre que le travail de trace et de pose de cordes fixes soit fait par les autres. Au sein d’une même équipe il y a toujours ceux qui tracent et ceux qui marchent derrière, c’est la même chose en expé mais sur une durée longue et dans des états de fatigue très poussés.
Entre nous, cela colle parfaitement. Une soirée arrosée de vodka pose de bonnes bases et une polonaise parlant parfaitement Français facilite les choses. Ils poseront les cordes fixes dans la première section vers le camp 1, nous poserons 400 mètres de corde fixes dans une seconde section de la montée au camp 1 ; nous porterons des cordes fixes au camp 2 et ils équiperont plus haut. Seule mauvaise nouvelle de cette première partie de l’expé, Claude a une hernie discale et souffre durement et durablement. Il devra être héliporté et vite rapatrié en France pour subir une opération.
Deuxième phase d’ascension :
De nombreuses forces à l’assaut de la montagne mais le mauvais temps repousse les alpinistes.
Arrivée de nouvelles expés fin avril. Des espagnols, allemands, indiens, japonais arrivent en force avec de nombreux sherpas et des kilomètres de corde fixe. L’ambiance intimiste jusqu’à présent laisse place à un camp de base animé. Nous profitons des Pujas pour faire connaissance, nous rencontrons un mythe chez les sherpas, Dawa Sherpa qui est le premier à avoir traversé l’Everest du Tibet vers le Népal et a déjà fait le Dhaulagiri 5 fois.
Réunion collective sous la grande tente des Polonais, les cordes fixes sont mises en commun, les missions des sherpas pour monter les camps et poser les cordes fixes sont organisées pour que tout le monde puisse tenter le sommet au plus vite. Nous sommes très confiants maintenant, seule incertitude : est-ce que le summit day sera là avant notre départ ? Car nous allons être les premiers à partir et le risque que le summit day survienne après notre départ est réel. Nous n’y pensons pas, il reste pas mal de temps.
Créneau météo
Les prévisions météo annoncent un petit créneau correct bien qu’assez venté puis une dégradation. Les plus acclimatés (Français et Polonais) partent pour poser le camp 2 et pour peut-être équiper plus haut. Les autres expéditions s’acclimatent et commencent à monter du matériel au camp 1. Il y a beaucoup de neige récente, toutes les cordes fixes qui ont été posées avant sont ensevelies.
Nous dégageons celles des sections les plus exposées et laissons les autres sous la neige. Le soleil finira bien par les dégager ! Journée très dure et longue, à se relayer pour faire la trace. Nuit au camp 1, et départ vers le camp 2. Le vent souffle assez fort mais le ciel est clair. Nous nous relayons encore pour progresser sur l’arête de plus en plus raide. Nous devons trouver un sérac pour poser le camp 2 et nous protéger des avalanches.
Mais cette année, les séracs ont bougé et aucun emplacement ne semble convenir. Le vent forcit et emporte de la neige qui nous fouette le visage. Il fait très froid et nous décidons de poser la tente sur l’arête, au fond d’un trou pour nous protéger du vent. Demain, nous la monteront plus haut à un emplacement sûr. N’ayant qu’une tente 2 places, Arnaud est obligé de monter sa propre tente.
Il décide de chercher plus haut, et trouvera finalement un endroit très précaire ou il va passer la nuit la pire de sa vie, craignant d’être enseveli par une avalanche ou poussé dans le vide de la face dans sa tente. De notre côté, nous nous faisons ensevelir dans notre trou par la neige portée par le vent et essayons de garder un canal d’air libre, ce que nous abandonnons après quelques heures d’efforts. Le vent souffle de plus en plus fort et nous craignons que les arceaux ne se brisent. Nous ne dormirons que très peu en espérant que la nuit se soit bien passée pour tout le monde.
Au matin, les regards sont épuisés, nous retrouvons Arnaud qui a cru ne pas revoir le jour. Nous démontons tout, la météo annonce un vent encore plus fort pour les prochains jours et nous craignons de ne pas retrouver ce qu’on pourrait laisser ici. Nous aurons eu raison, les Polonais vont laisser beaucoup de matériel ici qu’ils ne retrouveront jamais.
Troisième phase d’ascension : retraite et drame
Tout le monde est bloqué au camp de base. La météo annonce des vents de 80 à 120 km/h au sommet, et pas mal de neige. Nous nous occupons comme nous pouvons, nous rendons visite à nos amis polonais. La possibilité de pouvoir tenter le sommet devient hypothétique, les prévisions météo n’annoncent pas de créneau correct et de toute manière nous n’avons pas encore posé le camp 2 ni le camp 3. Nous sommes loin de pouvoir tenter le sommet, et si près de notre départ…
Une courte amélioration est annoncée, il n’y a que 60 km/h de vent prévu au sommet. Nous espérons poser le camp 2 et peut-être monter un peu de matériel au camp 3. Et peut-être y dormir ? Et peut-être que la météo va s’arranger une semaine plus tard, pour tenter le sommet ? Une expédition demande beaucoup d’optimisme sinon on reste au camp de base.
Nous repartons donc au camp 1, et y dormons encore. Le moral est en baisse. Les nouvelles prévisions météo sont très mauvaises. On se retrouve dans un régime durable de vents en altitude (120 km/h à 8000m) et il ne semble pas vouloir faiblir avant 2 semaines, soit exactement le temps qu’il nous reste.
Que faire?
Nous craignons de devoir quitter le camp de base pendant que les autres tentent le sommet. Ce qui serait terriblement décevant après tous ces efforts et toute cette attente. Nous réfléchissons à décaler le vol de retour, mais ce n’est pas possible pour des raisons de fin de congés et de prix (il faut racheter le billet retour, si des places sont disponibles !!!).
Finalement, nous pouvons gagner quelques jours en rentrant à Pokhara en hélico au lieu de faire le voyage classique en 3 jours, en gagnant donc 2 jours. L’idée ne nous plait pas et de toute manière, le prix est prohibitif. Le moral est aussi bas que le vent souffle fort. D’énormes panaches de neige sont arrachés sur le sommet et empêchent toute tentative. Les Polonais sont dans le même état que nous. Moral très bas, certains d’entre eux ne sont même pas remontés au camp 1. D’autres tentent de monter au camp 2. Les autres expéditions ne sont pas trop préoccupées, étant arrivés plus tard ils ont encore beaucoup de temps devant eux. Mais ils savent que pour nous c’est fichu et sont désolés pour nous.
A défaut du Dhaulagiri le Tukuche Peak
Constatant que nous n’avons aucune chance de tenter le sommet ni même d’atteindre le camp 3 avec un tel vent, je propose de tenter un autre sommet à partir du camp 1. Il s’agit du Tukuche Peak, il suffit de traverser le col et monter de l’autre côté. Cela nous permettra de bien voir l’itinéraire sur le Dhaulagiri (délicat après le camp 3) et de réussir un sommet. Je le fais aussi pour les enfants de l’école primaire de Rech qui comptent sur moi pour apporter leurs dessins au sommet d’une grande montagne en Himalaya. Nous partons donc vers le col et à la surprise des sherpas, nous filons de l’autre côté vers le Tukuche.
L’itinéraire est plus long que prévu, et nous arrivons fatigués au sommet sud. Arnaud a un gros coup de fatigue et nous revenons lentement vers le camp 1. Mais problème : de gros cumulus sont montés et nous voilà dans le jour blanc. Le col est immense, nous perdons les traces de montée et je n’avais pris l’azimut que pour passer un collu qu’il ne faut pas manquer. Après ce collu, aucune idée de la direction à prendre pour rejoindre la tente du camp 1 dans cette immensité. Nous errons des heures, rien ne correspond, nous ne savons même pas si nous nous dirigeons en gros dans la bonne direction.
Je décide de creuser un trou avec une bonne heure d’efforts. Arnaud s’y réfugie et dort pendant que je surveille le moindre éclaircissement pour apercevoir un point connu. Je réfléchis pendant cette heure de solitude, je fais le point de notre errance. Il reste 3 heures de jour : nous pouvons encore tenter de trouver le camp 1. Nous repartons en nous disant que si dans 2 heures nous ne trouvons pas la tente, nous retournerons au trou et y dormiront sans manger en espérant un jour clair au matin.
Claire nous attend au camp 1 et s’inquiète, nous aurions dû déjà revenir. Nous descendons le glacier et un instant, je crois avoir vu la tente dans un blanc un peu moins dense. Nous allons dans cette direction et nous trouvons Claire, soulagée de nous revoir. L’hypothèse de dormir assis sans manger et dans le froid nous donne d’autant plus de plaisir à dormir dans notre sac de couchage bien chaud.
Epilogue : la bonne décision
Les prévisions météo annoncent encore du vent, et cela durera. Il n’y a pas d’espoir pour nous. Nous décidons de quitter le camp de base plus tôt, pour franchir les deux cols puis faire un trek au sanctuaire de l’Annapurna. Nous croiserons les doigts pour nos amis Polonais, espérons qu’ils puissent profiter d’un créneau qui s’annonce pour la fin du mois, quand nous seront déjà rentrés en France.
Revenir d’une telle aventure ne rend pas le retour facile. Une partie de nous était encore là-bas et nous ne pouvions pas ne pas penser à nos amis sur place. Nous suivons donc ce qui se passe au Dhaulagiri par le biais de sites web, jusqu’à apprendre la terrible nouvelle.
Pendant notre trek et le retour, le vent a continué à souffler, bloquant tout le monde au camp de base. Puis une fenêtre météo s’est ouverte et les différentes expéditions sont montées dans les camps d’altitude pour équiper les camps 2 et 3. Le 21 mai, deux membres de l’équipe espagnole (Juanjo Garra et Manuel González) dorment au camp 3 à 7400 mètres. Le lendemain, ils s’élancent vers le sommet. La météo n’est pas très favorable, le vent forcit et le temps se dégrade. Ils retournent dormir une nuit de plus à 7400 mètres. Le lendemain, accompagnés de 4 autres alpinistes (Indiens et Japonais) et 6 sherpas, ils repartent vers le sommet.
Mauvaises nouvelles
La météo ayant été très mauvaise jusqu’à maintenant. Personne n’a pu équiper l’itinéraire supérieur en cordes fixes et il faut le faire le jour du summit day. Cela ralentit considérablement la progression. A 14 heures, ils sont à peu près à 8000 mètres et cherchent le couloir de montée qui s’avère être en mauvaises conditions. C’est l’heure à laquelle il faut faire demi-tour pour rentrer en sécurité à la tente du camp 3. Mais les espagnols sont très expérimentés (Juanjo a 8 sommets de 8000m à son actif) et continuent avec le porteur Kheshap Sherpa.
Le couloir étant en mauvaises conditions
ils s’encordent mais survient une chute, fracturant le tibia et le péroné de Juanjo. L’heure est tardive et grave : à 8000 mètres avec une jambe cassée, il est très dur de redescendre. Il passera la nuit à 8000 mètres. Les efforts ne seront pas comptés par la suite pour descendre Juanjo en sécurité, allant jusqu’à aller chercher des alpinistes « frais » et acclimatés au camp de base de l’Everest en hélico. Mais descendre Juanjo ne se fait pas facilement à cette altitude. Juanjo passera encore plusieurs nuits en altitude et finira par décéder, probablement d’un œdème d’altitude. Dans le même temps, la Japonaise Chizuko Kono décèdera d’épuisement à 7700 mètres.
J’ai pu rencontrer ces gens plusieurs fois au camp de base du Dhaulagiri, ainsi que de nombreux autres alpinistes sur d’autres sommets du monde. Ce que je peux en dire, c’est que ces gens sont profondément amoureux de la vie.
Heureux d’être là et de pouvoir vivre ces choses merveilleuses. Il n’y a guère de héros, avoir fait l’Everest deux fois sans oxygène, avoir gravi le K2 en hiver. Avoir foulé le sommet de nombreuses montagnes de 8000 ne donne pas le sentiment d’être héroïque mais donne au regard cette lumière particulière qui est celle d’avoir vécu des moments magiques et de bonheur. Juanjo et Chizuko étaient très simples et agréables, je leur rends hommage par ce texte.
Matériel utilisé pour cette ascension du Dhaulagiri
Beaucoup de matériel pour gravir un 8000 !! Dur de faire la liste exhaustive du matériel et pour 4 personnes. Voici donc ce qui me semble le plus pertinent à dire.
CATÉGORIE | NOM DU MODÈLE | MARQUE | POURQUOI AVOIR FAIT LE CHOIX DE CE MODÈLE AU DÉPART | EST-CE QUE CE CHOIX A RÉPONDU À CETTE EXPÉRIENCE RACONTÉE DANS CE ROADBOOK ? | SI C’ÉTAIT À REFAIRE |
TENTE | VE23 | THE NORTH FACE | Une valeur sûre, très spacieuse et résistante | Oui, malgré le poids conséquent. C’est ma tente de camp 1 et 2 | Oui |
TENTE | Monster | FERRINO | Ultralight | Oui. Il vaut mieux espérer ne pas être dans une tempête de neige cependant | Oui |
TENTE | West Wind | THE NORTH FACE | Light | On aurait aimé une deuxième ouverture côté inférieur de la tente | |
TENTE | Tenshi | NEMO | Light | Oui | Oui |
TENTE | Jannu | HILLEBERG | Un must de ma tente | Assez difficile à monter en expé | Non |
TENTE | Power Odyssée | VAUDE | Pas très chère et assez light | Il manque vraiment une deuxième ouverture | Non |
CORDE | Twin Ice | BÉAL | Light | Oui | Oui |
CRAMPONS | Air Tech | GRIVEL | Light et solides | Oui | Oui |
SAC DE COUCHAGE | Down 400 | MOUNTAIN HARD WEAR | J’avais une grosse réduction dessus | Oui, sac chaud et solide. Un peu lourd. | Du duvet, chez Valandré par exemple |
SAC DE COUCHAGE | Swig 900 | VALANDRÉ | Léger et solide | Oui | Oui |
CHAUSSURES | Everest | MILLET | Incontournables | Elles arrivent à leur fin après 10 ans d’expé | Idem, les nouveaux modèles compensent les petits défauts du modèle de 2004. |
SAC À DOS | Expedition | MILLET | Léger et très grand | On m’avait dit que ce n’était pas solide… après des centaines de kg transportés tjrs aucun problème | Oui très clairement |
TAPIS DE SOL | Prolite plus | THERMAREST | Light | J’ai eu du mal à m’y faire mais maintenant le l’adore | Oui |
FRONTALE | Ultrabelt | PETZL | Light et puissante | Oui | Oui |
RÉCHAUD | Réactor 1.7L | MSR | Efficace | Un must. Imbattable pour faire fondre beaucoup de neige. | Oui |
ALTIMÈTRE | AMBIT cardio | SUUNTO | Gagnée par le Concours Yéti 2012 | Il faut faire très attention à la batterie qui se vide vite | Plutôt un modèle plus simple, la montre AMBIT est davantage orientée trail qu’expé je pense |
CASQUE | Meteor 3 | PETZL | Light | Pas mal de chocs et toujours beau | Oui |
DOUDOUNE | Bering | VALANDRÉ | Oui | Un peu fragile mais chaud Oui | Oui |
DOUDOUNE | Kiruna | VALANDRÉ | Chaude | Parfaite pour le camp de base | Oui |
PIOLET | Air Tech | GRIVEL | Light, une référence | Oui | Oui |
PIOLET | Corsa Nanotech | CAMP | Light | Pas convaincu au début mais satisfait maintenant | Oui |
BAUDRIER | Couloir | BLACK DIAMOND | Light | Oui, pour une expé | Oui |
LUNETTES | Evil Eye Explorer | ADIDAS | Confortable | Géniales mais chères | Oui |
DRAP DE SAC | Thermolite Drap | SEA TO SUMMIT | Light | Oui, bien confortable | Oui |
PANNEAU SOLAIRE | 26W | BRUTON | Un peu lourd | Les nouveaux panneaux sont plus efficaces | |
BATTERIE | MP3450 | TEKKEON | Indispensable pour charger | Oui, tjrs pas de pbme de charge après 8 ans d’utilisation | Oui |
ARVA | Pulse Barryvox | MAMMUT | Une valeur sûre | Oui | Oui |
PELLE | Beast | ORTOVOX | Solide | Oui, je préfère les pelles métal | Oui |