Via Alpina: tout ce que vous devez savoir pour préparer votre traversée de l’arc alpin

par Julien DEFOIS
préparer la via alpina : le Thabor

La Via Alpina est un réseau d’itinéraires qui permet de traverser les Alpes. Il est composé de 5 routes différentes qui parcourent les 8 pays des Alpes. L’itinéraire le plus long, la Via Alpina rouge, s’étend sur 2500 km et visite chacun des 8 pays. Les autres routes permettent soit de rallonger, de raccourcir ou de proposer une alternative à l’itinéraire principal. Cet article vous aidera à préparer la Via Alpina, un projet d’envergure mais accessible.

C’est une des plus belles manières de découvrir l’arc alpin. A la randonnée, s’ajoutent la rencontre avec des cultures différentes et l’aventure inhérente à l’itinérance. Pour que vous puissiez préparer et vivre l’expérience de la meilleure façon qui soit, voici quelques trucs et astuces, informations pratiques et autres questions/réponses.

J’ai parcouru la Via Alpina pendant l’été 2020 et je vous partage mes conseils et mes retours d’expérience :

N’hésitez pas à poster en commentaire toutes les questions qui n’auraient pas trouvé de réponse ici. Vous pouvez compléter avec d’autres sources, comme le site officiel de la Via Alpina, qui est très bien fait

col de la vallée étroite
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La Via Alpina, c’est quoi?

L’esprit de la Via Alpina

Les Alpes ne manquent pas de sentiers plus ou moins longs, d’itinéraires bien tracés et renommés. Mais très peu d’entre eux sont transnationaux et aucun ne traverse ce splendide massif d’un bout à l’autre. A part la Via Alpina. C’est donc une manière unique de visiter cette partie de l’Europe.

La Via Alpina n’est pas un itinéraire spécifique: il s’agit d’un tracé qui s’appuie sur des sentiers et des itinéraires existant localement. Vous ferez un bout de la Grande Traversatta dell’ Alpi en Italie ou un morceau du GR 5 en France.

Les différentes routes

Chaque itinéraire est désigné par une couleur et une lettre qui précède le numéro de chaque étape:

  • L’itinéraire rouge comporte 161 étapes précédées de la lettre R. Il traverse tous les pays des Alpes, avec un esprit « haute route ».
  • L’itinéraire violet (lettre A) se parcourt sur 66 étapes à travers la Slovénie, l’Autriche et l’Allemagne. Son altitude n’est en général pas très élevée, ce qui le rend plus rapidement accessible en début de saison. Cependant, l’altitude assez basse ne signifie pas forcément la facilité: des itinéraires peuvent être techniques et équipés en dessous de 2000m.
  • L’itinéraire bleu (lettre D) traverse l’Italie et la France sur 61 étapes. Essentiellement, il emprunte les tracés de la Grande Traversatta dell’Alpi en Italie et du GR 5 en France.
  • L’itinéraire vert traverse la Suisse et est désigné par la lettre C. C’est un sentier très connu dans ce pays, également désigné Via Alpina. Il part du Liechtenstein mais la plupart des gens partent de Sargans. La version suisse de la Via Alpina va jusqu’à Montreux, au bord du Léman. Un itinéraire assez peu sauvage, avec des stations de ski et des routes, mais d’une incroyable beauté.
  • L’itinéraire jaune, lettre B, part également de Trieste et va jusqu’à Oberstdorf où il retrouve l’itinéraire rouge après 40 étapes. C’est un raccourci qui évite le massif du Triglav et les Alpes Carniques entre autres. Mais il s’attarde plus longtemps dans les Dolomites. Il visite des coins reculés du sud de l’Italie et traverse de nombreux villages.

Si vous entendez parler de l’étape D8, vous saurez donc qu’il s’agit de la 8ème étape de l’itinéraire bleu: la lettre évite d’avoir à nommer l’itinéraire.

Préparer la Via Alpina

Le site officiel de la Via Alpina

Le site de la Via Alpina.org est une mine d’information. Il m’a été très utile pour préparer la Via Alpina. Certes, il n’est pas de première jeunesse et mériterait un coup de rafraichissement mais il reste très fonctionnel.

Vous y trouverez des informations pratiques dans la FAQ.

Chaque itinéraire est décrit avec précision, étape par étape. Il y a le descriptif du chemin, le balisage à suivre, les points de passage avec leur altitude, le dénivelé, la trace sur carte, les distances en km et les temps de parcours indicatifs. Y figurent également des informations sur les hébergements, les commerces, les transports, la carte papier de votre étape, le type de voie empruntée (route, piste, sentier, sentier de haute montagne, passage équipé), la difficulté et bien d’autres choses encore.

Une autre mine d’information se trouve dans les commentaires et photos laissés par les Via Alpinistes pour chaque étape. Vous y trouverez des choses qui ne figurent pas sur le descriptif officiel, comme l’état du chemin, les difficultés non mentionnés, des bons plans pour dormir ou manger. Certains commentaires datent un peu mais ils donnent quand même de bons conseils. Un outil essentiel pour préparer la Via Alpina.

Enfin, le site vous permet de composer votre topo guide complet. Entrez votre étape de départ et celle d’arrivée et cochez les informations dont vous avez besoin (descriptif, profil d’étape, etc): vous pourrez ensuite le télécharger pour une utilisation hors ligne et vous appuyer sur la trace GPX ou KML qui l’accompagne.

Quand et où débuter sa Via Alpina

Choix important pour bien préparer la Via Alpina. Si vous souhaitez faire la traversée en une fois, deux options s’offrent à vous: Trieste ou Monaco. Mais il est toujours possible d’adapter son départ et son arrivée, comme je l’ai fait. Je suis parti du parc national du Triglav et j’ai fini à Nice, où le GR 5 arrive à la mer.

Pour la date de départ, il vaut mieux attendre juin. En mai, l’enneigement est beaucoup trop important et parfois encore au même niveau qu’en hiver. Si vous partez début ou courant juin, vous devez savoir que la neige sera présente en montagne, en quantité plus ou moins importante selon les années. Il faut s’attendre à rencontrer des névés jusqu’en juillet voire en août. Je suis parti le 11 juillet et la neige avait presque totalement disparu.

Vous vous demandez peut être s’il vaut mieux partir de Trieste ou de Monaco. Si vous partez tôt dans la saison, Trieste est une meilleure option. Il vous faudra entre une semaine et dix jours pour atteindre le Triglav, ce qui laissera plus de temps que la neige fonde. De même, si vous partez sur la Via Alpina jaune, il vous faudra parcourir quasiment 200km avant d’arriver dans la montagne. Côté Monaco, très rapidement, vous allez rencontrer des zones de haute montagne (et donc enneigées) côté italien comme côté français, dans le Mercantour. L’autre avantage du départ à Trieste, c’est que l’itinéraire va progressivement vers la montagne, ce qui vous laisse le temps de vous mettre en forme. Côté Monaco, on entre directement dans le vif du sujet.

Et la neige?

neige via alpina stage B36
Via Alpina, à 2000m d’altitude, un 4 août

Comme expliqué plus haut, il faut vous attendre à rencontrer de la neige sur votre chemin. C’est un élément important pour préparer la Via Alpina.

Dans la plupart des cas, il s’agira de la neige de l’hiver précédent. Ce sera donc une neige de printemps, dure le matin et pourrie quand les températures augmentent, ou une neige de névé, potentiellement dure le matin mais portante toute la journée. La neige de printemps peut grandement ralentir votre progression: lorsqu’elle est pourrie, les jambes peuvent s’enfoncer totalement et la progression devient lente et très pénible. Attention à la fatigue. il faut alors partir très tôt le matin, voire même de nuit. D’où l’intérêt de ne pas partir trop tôt dans la saison.

L’autre problème posé par la neige de fin de saison est sa dangerosité. Des avalanches sont toujours possibles en juin quand la neige est abondante: il faut donc avoir bien ce paramètre en tête pour prévoir son itinéraire et sa trace. De plus, la glissade est vite arrivée sur neige dure: les pentes exposées sont nombreuses sur la Via Alpina. Prévoyez un piolet et des crampons, avec l’entraînement adéquat: s’arrêter avec un piolet ne s’improvise pas, tout comme l’usage des crampons. En général, à partir de juillet ces équipements ne sont plus requis.

Dans des cas plus rares, la neige tombera du ciel pendant votre traversée. En Autriche, le 4 août 2020, une perturbation est venue déposer 20 cm de neige sur la Via Alpina. Le soleil l’a vite fait fondre et elle ne m’a pas gêné, mais gardez bien à l’esprit qu’elle peut survenir à tout moment, même en plein été.

Les étapes de la Via alpina

Combien de temps?

Tout dépend de votre rythme. Beaucoup de marcheurs parcourent la Via Alpina rouge en 90 à 100 jours. Pour ma part, j’ai fait ma traversée en 54 jours de marche (+1 jour de repos). L’idéal est de se donner du temps et de la marge pour pouvoir souffler quand c’est nécessaire, s’abriter quand le temps est trop mauvais, visiter les villes et monuments, profiter des paysages, parler aux gens.

Traverser les frontières sur la Via Alpina

La Via Alpina traverse les frontières un nombre incalculable de fois. Les sentiers jouent parfois avec les limites des pays et en quelques centaines de mètres vous en changerez plusieurs fois.

massif du Kanin Italie Slovénie
Massif du Kanin entre Italie et Slovénie

Il n’y a pas de contrôle aux frontières sur l’itinéraire. Je l’ai fait le premier été du COVID et aucune restriction n’était appliquée pour les voyageurs arrivant à pieds des montagnes. Vous pouvez prévoir votre carte d’identité ou votre passeport, qui vous seront utiles pour les hébergements.

Les transports pour se rendre au départ et pendant votre randonnée

Trieste est une ville importante desservie par le train. L’aéroport le plus proche et le plus accessible est celui de Venise. Flixbus dessert également Venise De là, rejoignez la gare de la ville et un train vous amènera à votre point de départ.

Arrivée à la gare de Bohinjska Bistrica
Je suis arrivé en train en Slovénie

Pour Monaco, la meilleure option pour l’aéroport est celui de Nice, très bien desservi. Ensuite, un bus ou un train vous conduiront au Rocher.

Les Alpes ne sont pas un massif très sauvage et reculé. Elles sont au coeur d’un très bon réseau de transport, local ou international. Vous n’aurez donc pas de difficulté pour vous déplacer en véhicule si besoin. A noter qu’en juillet août de nombreuses navettes saisonnières fonctionnement et peuvent vous épargner des moments pluvieux ou ennuyeux le long des routes, vous amener à un point de ravitaillement.

La longueur des étapes

Les étapes de la Via Alpina sont d’une longueur très variable. Certaines font 30km, d’autres juste 8. Il n’y a pas vraiment de logique: il s’agit simplement de relier un hébergement à un autre. Le dénivelé est également très variable selon les étapes. A noter que le site de la Via Alpina propose parfois des chiffres totalement fantasques et exagérés, notamment sur la jaune (+ de 3000m pour une étape): il s’agit d’erreurs. Les dénivelés dépassent rarement les 1800m.

Certaines étapes sont très longues, comme la B10 (48km), mais il est possible de la couper en s’arrêtant dans un village.

Le temps pour parcourir chaque étape est indiqué sur le site, mais il sera surtout fonction de vous (forme, agilité sur les terrains de montagne), du terrain et de la météo.

Comment bien calculer ses étapes?

Question cruciale pour la planification. Deux écoles sont possibles. Il y a ceux qui vont suivre les étapes officielles: dans ce cas, vous aurez le site de la VA pour vous aider.

Et puis il y a ceux qui préfèrent fonctionner plus librement. Pour ma part, j’ai utilisé des applications de planification comme Komoot ou bien mapy.cz. Elles donnent une idée de la distance et du dénivelé (sachant que Komoot le sous estime largement et Mapy le surestime légèrement). Les temps donnés sont pour moi très indicatifs. Sinon, une bonne lecture de carte vous permettra de savoir à peu près à quoi vous attendre et jusqu’où aller.

J’ai souvent fonctionné en me donnant un objectif au jour le jour, en fonction de la météo et du terrain. Certaines zones, comme les Dolomites, sont très exigeantes et vous devrez faire des étapes plus courtes car les sentiers ne sont pas toujours roulants. Parfois il m’a fallu adapter mes destinations: impossibilité de bivouac à l’endroit initial, voire interdiction.

En général, je faisais des étapes de plus de 2000m de D+ (2900+ au maximum). Quant à la distance, elle variait: en Suisse, où les sentiers sont très roulants, il n’était pas rare que je dépasse les 40km. En France, c’était plutôt entre 30 et 35km. Au fur et à mesure de la marche, vous allez mieux connaitre votre corps et vos besoins: ce sera donc plus facile de savoir ce que vous pouvez faire.

Votre forme va aussi évoluer. Les 10 premiers jours de ma traversée ont été les plus durs, le temps que le corps se fasse à l’itinérance. Ensuite, j’ai pu dérouler beaucoup plus facilement.

Au départ de la traversée, je conseille de soit suivre les étapes officielles soit de prévoir des étapes modestes, le temps que vous vous jaugiez. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de tout calculer pour bien préparer la Via Alpina.

La question des cartes et des applications

Vous pouvez prendre des cartes papier pour la Via Alpina. Mais cela va vous coûter très cher et ce sera lourd. Les cartes couvrent une zone très limitée et il vous en faudra beaucoup. De plus, une fois la zone passée, la carte ne vous sert plus à rien et vous pourrez avoir une furieuse envie de vous en débarrasser. Je ne me suis jamais servi d’une carte papier pendant ma traversée, ni pendant la planification.

Je me suis servi de mon téléphone. L’application principale était Iphigénie, avec les cartes Opentopo en Europe et IGN en France. J’ai ensuite découvert Komoot, très pratique pour la planification. Par contre les cartes ne sont pas excellentes. Cette année, j’ai expérimenté Mapy.cz, gratuite au contraire des deux autres précitées, avec des cartes plus lisibles que celles d’Opentopo ou Komoot, les sentiers principaux tracés et nommés.

J’ai également découvert Outdoor Active. C’est payant (30€) mais à ce prix vous aurez des cartes topographiques nationales comme IGN mais surtout Swiss Topo (non incluses dans Iphigénie) et des fonds de carte « Outdoor » très lisibles et précis. Iphigénie m’a posé des problèmes: alors que j’étais en trek, mon abonnement est arrivé à échéance; malgré le renouvellement et le paiement automatique, je n’ai plus eu accès aux cartes car il fallait que j’aille sur l’application en ayant le réseau pour cliquer sur un bouton de réactivation. J’ai eu de la chance de ne pas me perdre mais c’est une erreur inexcusable de la part de l’application donc je ne reprendrai pas mon abonnement et passerai sur Outdoor Active.

Quelle est la difficulté de la Via Alpina?

La Via Alpina est un itinéraire de haute montagne. Il reste toujours sur des sentiers et ne franchit jamais les limites de l’alpinisme. Il n’y a donc pas d’escalade sur ce chemin. Toutefois, vous trouverez parfois des passages équipés de chaînes, câbles, échelles ou cordes fixes. L’engagement n’est en général pas très important. Mais l’appréciation du vide est très subjective et certaines zones sont impressionnantes, comme la traversée des 3 soeurs entre Feldkirch et Vaduz (étape R57) .

Montée aux Trois Soeurs

Donc parfois vous marcherez sur des sentiers exposés. Sur la page de l’étape en question (site officiel de la VA), ces passages sont décrits dans les commentaires avec parfois des photos. Des alternatives plus faciles existent.

En dehors du combo piolet/crampons, il n’y a pas d’équipement particulier à prévoir. La Via Alpina évite les sections de Via Ferrata.

La Via Alpina est elle bien marquée?

sigle de la via alpina
Via Alpina jaune

La Via Alpina s’appuie toujours sur des sentiers balisés. Il s’agit le plus souvent d’un balisage local. Parfois, vous trouverez un balisage officiel, de la couleur de votre itinéraire. Ne comptez pas trop dessus quand même. Le site officiel vous donne soit la trace GPX soit le numéro des sentiers à suivre: il n’y a donc pas vraiment de problème pour trouver son chemin.

Parfois, l’itinéraire passe par des chemins très peu fréquentés, comme la VA jaune dans le sud est de l’Italie. Outre le sentiment d’être seuls au monde, vous pourrez parfois vous demander si vous êtes sur le bon chemin, parce que la sente peut être assez peu marquée. La VA reste encore assez confidentielle et dans certaines régions qu’elle traverse, personne ne la connait.

La vie sociale sur la Via Alpina

Si vous vous attendez à une expérience sociale comme sur le Pacific Crest Trail ou le tour du Mont Blanc, vous allez être déçus. La communauté des Via Alpinistes est très réduite. J’ai croisé un seul randonneur qui faisait le chemin et il allait en sens inverse; 5 autres ne faisaient qu’une partie de la Via Alpina. Grâce au groupe facebook dédié, il est possible de savoir qui d’autre est sur le chemin et en général, il n’y a pas foule. Il n’y a qu’en Suisse où vous partagerez la Via Alpina avec d’autres: c’est un itinéraire très connu et assez parcouru, car il travers le pays d’est en ouest.

Par contre, les Alpes sont parfois très fréquentées et de nombreux randonneurs à la journée seront sur votre chemin. Certains tronçons sont communs avec des itinéraires fameux, comme l’E5 entre Oberstdorff et Merano: ce sont des hordes d’allemands que vous croiserez alors. Les Dolomites sont très populaires, voire trop: Tre Cime di Lavaredo ou balcon de la Marmolada. Attendez vous à la foule.

Si vous avez de la chance, vous pourrez partager un bivouac ou un bout de chemin avec des randonneurs. J’ai marché essentiellement seul et j’ai parfois partagé des moments sur les points d’étape fameux, notamment sur la VA Suisse.

Quels animaux sauvages rencontre-t-on?

La Via Alpina traverse le territoire du loup et de l’ours. Les plus chanceux pourront en voir mais c’est très rare! Leur présence ne requiert pas de précautions spécifiques comme en Amérique où il faut stocker sa nourriture dans une boîte hermétique ou la suspendre loin des tentes. Les animaux sauvages restent assez loin des hommes.

Les plus visibles sont bien sûr les marmottes et dans une moindre mesure les bouquetins et les chamois. Parfois, un renard peut se trouver sur votre chemin.

J’ai eu l’occasion de faire la rencontre d’un animal sauvage atypique, que je ne pensais pas trouver en montagne: mais c’est pourtant son habitat naturel. C’était en France, en descendant du refuge de Longon (étape D57). Le voici en photo!

scorpion dans les alpes sur la via alpina

La question de la nourriture sur la Via Alpina

Que manger pendant sa Via Alpina ?

Tout dépend de comment vous voulez utiliser votre réchaud.

Pour ma part, je déteste cuire des aliments dans mon réchaud car il est difficile de bien le laver, la nourriture accroche souvent: donc le goût du plat de la veille reste dans la popote. Et le matin, quand l’eau du thé a goût à la sauce tomate, ça ne me plait pas! Mais je suis quand même exigeant, je peux le reconnaître. Donc mon réchaud ne sert qu’à bouillir de l’eau. Ce qui limite mes options pour le repas du soir:

  • couscous amélioré (Tipiak), auquel on peut ajouter du poisson en conserve et/ou du parmesan
  • pâtes fraiches ou raviolis frais (quand je peux me ravitailler)
  • Nouilles chinoises

Pour ceux qui cuisinent dans leur réchaud, il est facile d’ajouter à cette liste de la purée, des soupes, des pâtes ou du riz à cuire.

Avec mon itinéraire et mon rythme, je me suis ravitaillé très souvent. J’ai donc eu le choix et j’ai pu manger des produits frais.

Au petit déjeuner, c’était assez invariable: muesli et chocolat en poudre.

Le midi, toujours la même base mais avec des produits locaux donc beaucoup de variété finalement: fruit pain et fromage.

Pour le grignotage, j’ai acheté des gâteaux secs.

Et puis bien sûr, il y a des refuges pour se faire un petit plaisir de temps en temps.

Les possibilités de ravitaillement étant vraiment larges, il n’est pas nécessaire de s’envoyer des colis à l’avance.

Vous trouverez davantage de conseils sur comment bien se nourrir en trekking.

Se ravitailler sur la Via Alpina

Tout dépend de votre itinéraire. La VA rouge tend à rester en altitude et les ravitaillements seront moins fréquents. Par exemple, la traversée des Alpes Carniques se déroule entièrement en altitude pendant 150km. Il faudra soit prévoir l’autonomie adéquate, soit manger dans les nombreux refuges, soit faire du stop pour descendre en ville quand vous croiserez une route. Sur la VA rouge, selon votre rythme, il n’est pas rare d’avoir à porter 5 à 7 jours de vivres. Sur mon itinéraire, je n’ai jamais dépassé 3 à 4 jours en autonomie.

D’autres itinéraires, comme le jaune ou le vert, descendent régulièrement dans les villages. Votre sac sera donc plus léger. A noter qu’en Suisse, où les prix sont censés être astronomiques, les supermarchés Coop proposent des produits de qualité à prix raisonnables (non je ne touche pas de commission pour cette publicité 😀 ).

En général, google connait très bien les points de ravitaillement et s’est montré fiable pendant ma traversée. L’organisation de mes ravitaillements n’a pas été très lourde pour préparer la Via Alpina: j’ai presque toujours fait sur le moment, sans trop anticiper.

La possibilité de se ravitailler varie également en fonction de l’heure et de la saison. En Italie, la plupart des commerces sont fermés entre 12h30 et 16h. Dans les Alpes du sud françaises, courant septembre, les épiceries et supérettes ferment ou réduisent leur horaires: les points de ravitaillement diminuent drastiquement.

La question de l’eau: filtre, traitement ou rien?

Je n’ai jamais utilisé de dispositif particulier pour l’eau. Et je n’ai jamais été malade. Si vous avez une sensibilité à l’eau de montagne, vous pouvez toujours la filtrer. En général, cette eau est pure et n’a pas de bactérie particulière comme dans certains pays d’Amérique ou d’Asie par exemple.

L’eau est assez abondante sur le chemin, surtout en début de saison. En général, je portais 1 litre d’eau, deux en cas de doute. Les refuges, villages, sources et fontaines sont nombreux. Certaines sections sont très arides, notamment dans le Triglav où même les refuges n’ont pas d’eau au robinet: il faudra la payer ou la prendre dans les rares lacs. Dans les Dolomites, les refuges ont tous l’eau sauf exception (Passo Principe): ils vous diront souvent qu’elle n’est pas potable car elle vient de la montagne ou de la fonte des neiges. Je n’ai jamais eu de problème avec. Dans les Alpes françaises, surtout les Alpes maritimes, l’eau est plus rare en fin de saison.

Ou dormir sur la Via Alpina ?

Où dormir: tente ou refuge?

Autre choix important pour préparer la Via Alpina: l’endroit où vous allez passer la nuit.

Certains randonneurs effectuent leur traversée de refuge en refuge (ou hôtel parfois). C’est plus confortable et luxueux. Et le sac est allégé de tout le matériel de bivouac. Par contre, cette option présente de nombreux inconvénients. Le coût du trek est bien plus élevé. Vous n’avez pas la liberté de vous arrêter plus tôt ou de continuer un peu. Vous devez bien gérer la réservation des refuges et en plein été cela peut poser des problèmes de disponibilité. Votre expérience sera moins immersive.

Vous l’aurez compris, je l’ai fait en bivouac! La plupart des randonneurs font la Via Alpina en bivouac. Outre la souplesse et l’aspect économique, cela permet de dormir dans des spots de rêve. Par contre, dans de nombreuses zones le camping sauvage est interdit. J’y reviens plus bas.

Peut on faire du camping sauvage sur la Via Alpina ?

En Italie, vous ne pouvez pas bivouaquer dans les réserves naturelles. En pratique, il n’y a pas de contrôle mais il vaut mieux rester caché au cas où et penser à bien récupérer tous ses déchets, sans laisser de trace. J’ai également dormi dans des villages avec la bienveillance de la population locale. Parfois c’est également interdit, il vaut mieux demander aux riverains pour être sûr.

Certosa Karthaus via alpina stage B 30 camping sauvage
Bivouac « sauvage » dans le village de Certosa

En Slovénie, le bivouac est interdit dans le parc national du Triglav. De plus, le terrain, soit très minéral soit très buissonneux, ne se prête pas aux nuits sous tente. Enfin, pour ceux que ça ne décourage pas, les gardes parcs veillent: l’amende est de 100€. Sachez que la nuit en refuge est bien moins chère.

En Autriche, le bivouac n’est pas autorisé. Si vous le faites à proximité des villages, il y a des chances que la police viennent vous déloger. En montagne, c’est tout autant interdit mais il n’y a pas vraiment de contrôle. D’ailleurs, les autrichiens ne pratiquent pas vraiment le bivouac. Ils préfèrent les nombreux et peu chers refuges. Aucun des Via Alpinistes que j’ai rencontrés n’avait eu de problème avec le bivouac en Autriche.

En Suisse, la question est sensible. Il existe de nombreuses restrictions. Soit pour protéger la faune: vérifier alors sur Swiss Topo en ajoutant l’option réserve naturelle sur la carte pour s’assurer que le bivouac est dans une zone autorisée. Soit en raison d’une règlementation locale: ce n’est pas toujours clair et les panneaux ne sont pas toujours visibles, comme autour du lac Oeschinnen.

La France est le paradis du bivouac. Attention aux règlementations des réserves naturelles (comme lac d’Anterne, étape R111) et parcs nationaux, comme en Vanoise où le bivouac n’est possible qu’à côté de certains refuges.

Un comportement responsable

Peut être que vous êtes déjà très au fait des pratiques respectueuses de l’environnement mais il est toujours bon de rappeler quelques bonnes pratiques.

prairie Feldkircher Hütte

La montagne est un milieu fragile. Des petits gestes anodins pour nous peuvent avoir un effet important sur le l’écosystème. Pour le préserver, il faut donc laisser le moins de trace possible de notre passage:

  • récupérer ou brûler son papier toilette
  • récupérer tous ses déchets, même végétaux: les peaux de bananes ou autres pelures de fruits n’ont rien à faire en montagne car elles viennent d’ailleurs
  • ne pas cueillir les fleurs
  • essayer de rester sur sentier: passer hors sentier peut accentuer l’érosion, abimer les végétaux ou même les détruire
  • respecter la faune sauvage: ne pas s’en approcher (pour éviter que l’animal soit stressé ou ait à fuir), ne pas la nourrir, ne pas toucher les animaux sauvages (éviter un stress, éviter des contaminations ou bien de laisser notre odeur sur eux, ce qui peut conduire à un abandon de la part des parents pour un petit)
  • Privilégier les bivouacs qui auront un impact minimal sur le biotope: soit là où d’autres ont déjà dormi, soit en évitant des zones fragiles ou fleuries, autant que possible bien sûr.

S’équiper pour la Via Alpina

Elément essentiel pour la réussite d’un trek de cette envergure, l’équipement doit être bien réfléchi et si possible expérimenté avant le trek. Préparer la Via Alpina passe aussi par des essais terrain avant le grand saut!

Retour d’expérience sur mon équipement

Voici la liste de mon matériel utilisé pendant ma traversée, j’espère que cela vous aidera à mieux répondre à la question du matériel pour préparer la Via Alpina.

Les indispensables

La quête d’un sac léger peut amener certains à faire l’impasse sur des équipements pourtant essentiels. Je ne parle pas de chaussures ou de sac à dos, mais de vêtements qui peuvent vous garder en vie, vous protéger de l’hypothermie vous donner ce confort de température en plus qui préservera votre lucidité lorsque vous faites face à des conditions très difficiles.

Une erreur majeure consiste à croire que la montagne estivale ne connait pas de conditions hivernales. C’est l’été: il ne peut pas faire très froid, il ne peut pas neiger, il ne peut pas y avoir de tempête. Sur cette base, on se dit qu’on peut se délester des vêtements thermiques ou de protection, qu’un duvet avec un confort 10° suffit.

Pourtant, la réalité est tout autre. Pendant ma Via Alpina, une perturbation neigeuse s’est abattue sur l’Autriche et les montagnes ont été couvertes de 20cm de neige. Ce n’est pas un cas rare ou isolé: c’est une réelle possibilité. Si vous êtes pris dans des conditions difficiles et ne trouvez pas de possibilité de vous abriter, si votre tente connait une défaillance pendant une nuit de tempête, si la météo est plus mauvaise qu’annoncée, vous pourrez vous retrouver en position délicate, voire dangereuse. Des randonneurs expérimentés mais allégés car trop confiants dans les conditions estivales ont connu un destin tragique alors qu’ils ont été pris dans une tempête estivale neigeuse.

Donc tout cela pour dire que s’équiper d’une doudoune et d’une paire de gants pourra grandement vous aider et rendre votre périple bien plus agréable. Car au delà des conditions extrêmes précitées, le froid reste présent en montagne: une bonne doudoune pour se maintenir au chaud et des gants pour préserver la mobilité de ses doigts le soir et le matin, c’est bien agréable! Préparer la Via Alpina c’est aussi se préparer à rencontrer tout type de conditions!

Le choix des chaussures

Difficile de donner une réponse valable pour tout le monde. C’est votre pied qui décide de la chaussure qui lui convient. Trouver les chaussures qui vous vont bien constitue une étape essentielle pour bien préparer la Via Alpina.

Dans ma pratique, je proscris les chaussures de montagnes rigides en cuir. Elles n’ont aucun avantage en randonnée longue distance estivale sur sentier: mauvaise ventilation, inadaptation au déroulé naturel du pied, amorti inexistant, séchage très lent, etc.

Des modèles de randonnée peuvent faire l’affaire si vous vous sentez bien dedans: ils ont davantage de souplesse dans la semelle et fournissent une bonne protection. Mais, pour moi, ils manquent d’amorti: je préfère les chaussures typées trail.

Aujourd’hui, dans la communauté des randonneurs longue distance, la chaussure de trail est reine. Plébiscitée pour sa souplesse, sa ventilation, son confort qui protège des ampoules, son amorti, elle est vraiment adaptée aux besoins de l’itinérance. Elle se décline en plusieurs versions.

Low/Mid:

Les tiges basses laissent votre cheville totalement libres, tiendront donc moins chaud et sont plus légères. Les tiges mid maintiennent mieux le pied, protègent davantage des torsions de chevilles, des coups sur les malléoles et des petits débris qui pourraient rentrer dans la chaussure. Pour ma part, j’ai choisi la tige Mid.

Gore Tex (ou autre membrane)/ pas de membrane:

Si vous transpirez beaucoup, il n’y a pas mieux que les chaussures sans membrane. Leur séchage est également très efficace. Les membranes donnent une protection supplémentaire contre les éléments et pas seulement l’eau. S’il pleut beaucoup, avec sous sans membrane, vos pieds finiront mouillés quoi qu’il en soit. Par contre la membrane vous protègera du vent et du froid: la chaleur du pied est préservée. Je randonne toujours avec des chaussures membranées: elles ventilent bien, je n’ai pas de problème d’humidité ou de sensation de trop chaud et je suis mieux protégé.

Le temps m’avait manqué pour préparer la Via Alpina sur le terrain. Je suis parti avec une paire de chaussures que je ne connaissais pas en trek. C’était un pari osé, mais les sensations très bonnes lors des essais à la maison m’avaient convaincu de prendre le risque. Pari gagné!

Drop:

C’est l’écart de hauteur entre l’avant du pied et votre talon. Un drop de 6mm signifie que votre talon est 6mm plus haut que vos orteils: vos pieds sont donc légèrement inclinés dans la chaussure. Un drop de 0 signifie que le pied est à la même hauteur des orteils au talon. Pour les puristes, un drop de 0 permet une foulée encore plus proche du mouvement naturelle, tel que celle qu’on a en marchant pieds nus. Attention quand même si vous passez brutalement d’une chaussure drop 10 à une drop 0 vous allez beaucoup plus solliciter l’arrière de votre jambe (tendon d’achille et mollet entre autres) et vous risquez de vous faire mal. Autant faire une transition en douceur en habituant son pied. Dans ma pratique, je ne vois aucun avantage au drop 0. C’est une question de sensation, à vous de vous si votre pied aime ou pas.

Le choix de la tente

C’est un choix à bien réfléchir. La tente sera votre résidence principale pendant les 2 ou 3 mois de votre traversée: autant prévoir quelque chose qui vous plait!

L’espace me semble une caractéristique importante compte tenu du temps qu’on passe dans une tente sur sur la VA: autant prévoir une tente où vous ne serez pas à l’étroit. Je conseille donc d’éviter toutes les tentes où il n’est pas possible de se tenir assis, où il n’y a pas d’espace dans l’abside (pour cuisiner et poser ses affaires) et où il n’y a pas au moins 60 cm de largeur par personne. Une tente pour 2 avec 1 abside risque d’être juste: à tester avant pour être sûr!

Je préfère les tentes autoportantes. Elles tiennent mieux dans des conditions difficiles, mais elles sont aussi un peu plus lourdes. Les tentes semi-autoportantes sont également adaptées. Attention à la ventilation: certaines semi-autoportantes comme la MSR Freelite ou la Big Agne Tigerwall, n’ont pas d’aération: cela induit de la condensation et de l’humidité dans la tente.

Les tentes non autoportantes nécessitent plus de vigilance sur le plantage des sardines qui doit être impeccable en cas de vent violent. Une sardine qui saute et la tente peut s’effondrer!

Encore une fois, pour bien préparer la Via Alpina, essayez votre matériel pour bien le connaitre et ne pas avoir de mauvaises surprises.

La Via Alpina par ceux qui l’ont vécue

col du Mont Thabor

Pour préparer la Via Alpina, rien de tel que l’expérience de ceux qui l’ont déjà faite! Voici quelques retours d’expérience personnels et des récits de traversées publiés sur le blog.

Mon expérience personnelle

Oser se lancer

Malgré toutes mes expériences de voyage et de trek, je ressens toujours une réticence avant de me lancer en solo dans un voyage. Préparer la Via Alpina sur le papier et les cartes n’avait pas été suffisant: il y a une dimension psychologique à laquelle on peut difficilement se préparer. Passer du connu à l’inconnu me demande un effort, il me faut lâcher mon confort, affronter la solitude, le vide, de dépouillement. Mais après une période d’adaptation, alors ma nouvelle vie devient ma seule et vraie vie. C’est un changement de repère, parfois sans transition: j’ai appris à me laisser le temps pour traverser ce moment d’inconfort.

Donc si vous avez du mal à vous lancer, eh bien c’est normal et c’est un sentiment partagé. Mais ce que l’on trouve sur le chemin nous récompense au centuple des efforts fournis pour y arriver.

Comment ai-je planifié mon itinéraire?

Je n’ai pas été très pointu dans ma façon de préparer la Via Alpina. Je me suis créé un document Word où toutes les étapes officielles étaient listées, avec le dénivelé, les kilomètres, les ravitaillements, les hébergements et les possibilités de variantes trouvées sur les cartes ou sur le site de la Via Alpina. J’ai aussi beaucoup regardé les cartes, ce qui m’a permis de rêver mon parcours avant de le faire.

Une fois lancé, j’ai vécu au jour le jour et j’ai assez peu planifié. D’ailleurs les rares fois où je devais atteindre un objectif particulier (refuge ou hôtel réservés) je n’ai pas trop aimé car j’avais prévu des délais trop serrés! J’aime mieux quand il n’y a pas de contraintes…

Ai-je suivi l’itinéraire initialement prévu?

lac et refuge de Vens

Au départ, le temps de prendre mes marques, je suis resté sur la Via Alpina sans faire de variante. Puis, à l’approche des Dolomites, l’envie m’a pris de créer mon propre chemin dans ce massif pour en visiter des lieux majeurs. La Via Alpina était pour moi assez peu intéressante dans cette section et je ne regrette pas mon choix. En Autriche, j’ai choisi une variante après Memminger Hütte, pour suivre l’Adler Weg en version haute route: très beau! Mon ultime variante majeure fut de suivre le GR 5 plutôt que la Via Alpina dans la partie française. Sans regret: le GR 5 traverse les massifs que j’avais vraiment envie de découvrir et ne m’a pas déçu. J’avais choisi cette variante pendant que j’étais en train de préparer la Via Alpina, mais les deux premières ont été improvisées.

L’idée de devoir suivre un itinéraire à la lettre ne me plait pas trop. Je préfère aller là où mes yeux brillent et là où mon intuition résonne. Le concept américain HYOH me parle bien: Hike Your Own Hike, fais ton propre itinéraire en somme!

Comment j’ai vécu cette traversée en solo?

J’aime me retrouver seul. Je suis d’une assez bonne compagnie pour moi même! Le trek donne l’occasion d’un voyage intérieur, d’une rencontre avec soi même: c’est une pause que l’on s’offre loin du tumulte du quotidien, des interactions perpétuelles qui détournent de l’intériorité, des sollicitations permanentes du monde. J’aime ce ralentissement de la vie qui me permet d’entendre les murmures de mon âme et de mon coeur.

Mais je suis aussi sociable et j’aime la compagnie. Ce n’est que sur la première partie dans le sud de l’Italie que j’ai ressenti le vide sur le chemin: il n’y avait vraiment que moi, à de rares exceptions près. ensuite, les possibilités de rencontres et d’échanges sont multiples. J’ai marché parfois avec d’autres randonneurs, jusqu’à 3 jours, mais mon rythme assez rapide rendait difficile le partage sur une longue durée. Il n’empêche que les rencontres ont été nombreuses et joyeuses, même si souvent très éphémères. Mais la marche au long cours ralentit et densifie le temps: une soirée partagée sur le chemin en vaut 10.

Au bout d’un moment, un sentiment de faire partie de la nature environnante m’a gagné. Au milieu des arbres et des fleurs, je me sentais entouré de présences familières et amicales. Difficile d’expérimenter la douleur de la solitude dans ces conditions.

Les locaux sont-ils accueillants?

Kleine Scheidegg
Klein Scheidegg, Oberland

Moins ils voient de touristes, plus ils le sont! Il ne faut pas s’attendre à des expériences très authentiques dans les endroits les plus arpentés par les foules, comme l’Oberland ou le tour du Mont Blanc. Néanmoins, j’ai reçu des accueils très sympathiques dans certains refuges, comme Alfred Wills au pied de la barre des Fiz (étape R111).

Parfois j’ai reçu des cadeaux inattendus comme la possibilité de m’installer dans un jardin à Ovaro, que des locaux m’ont spontanément proposée. Ils m’ont même apporté une chaise longue pour que je me repose confortablement! Si vous voulez camper sur une propriété privée comme un champ, il vaut mieux demander. En général, les locaux sont sympas avec les marcheurs mais ils n’aiment pas toujours qu’on s’installe chez eux sans leur permission! Et je les comprends!

accueil à mione d'Ovaro repos pendant la traversée des Alpes-min

Des moments difficiles?

Pas vraiment. J’ai eu un moment de flottement avant d’arriver dans les Dolomites. Les prévisions étaient mauvaises et il pleuvait déjà tous les jours, le temps était instable. J’avais l’impression d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Ces prévisions ont semé le doute chez moi et je me suis dit qu’il valait peut être aller marcher ailleurs. Mes jambes n’étaient encore au top de leur forme donc mon moral s’en est trouvé affecté. Je ne voulais pas traverser les Dolomites, ce massif si beau, sans les voir. Je suis donc reparti, sans trop savoir pourquoi chez moi, à Toulouse. Arrivé là bas, je ne me suis pas du tout senti à ma place et je suis reparti illico presto dans les Dolomites, prêt à accepter la météo quelle qu’elle soit. Ce temps de pause m’a été nécessaire pour faire le point sur mes motivations, pour me permettre d’accepter le chemin plus inconditionnellement, comme il venait.

Le retour à la vie « normale »

C’est le vrai moment difficile de mon expérience. Préparer la Via Alpina c’est aussi se préparer au retour, car c’est une expérience qui peut transformer. En rentrant à Toulouse, où je vis, je me suis senti très à l’étroit dans ma vie personnelle et professionnelle. Elles avaient perdu leur sens. Ce que j’avais touché pendant ce voyage intérieur que fut la Via Alpina me conduisit à revoir mes priorités, mes envies, à réaliser que ma vie d’avant ne me convenait plus depuis déjà un moment. Cette prise de conscience fut douloureuse et aboutit à un effondrement interne, un burn out. C’était un grand ménage salutaire, un temps de pause pour intégrer le changement et redéfinir mon projet de vie. Je ne regrette rien mais le retour et les mois qui ont suivi ont été mouvementés!

Paroles de Via Alpinistes

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2 commentaires

Clément 23 décembre 2023 - 23 h 27 min

Bonjour Julien, merci beaucoup pour votre article très complet et bien utile. J’ai juste une question sur votre compatibilité chaussure/crampons : faut il des crampons spécifiques pour pouvoir les fixer à des chaussures de trail ?

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Julien DEFOIS 2 janvier 2024 - 15 h 29 min

Bonjour Clément

Content que cet article vous ait plu!
Pour les chaussures de trail, compte tenu de leur souplesse, l’usage des crampons classiques est déconseillé. Certains en mettent mais le risque d’éjection du crampon est réel et lorsqu’on évolue en pente raide cela peut s’avérer très dangereux. Avec des chaussures souples, j’utilise des crampons « légers » de type Camp Icemaster. Ils vont procurer un surplus appréciable d’accroche et d’adhérence sur neige dure ou en terrain pentu. Attention toutefois ces crampons rencontrent leurs limites sur neige dure en pente raide (>30-35°). Pour ma part, dès que le terrain dépasse les 30° d’inclinaison, je considère qu’il faut être très aguerri pour évoluer avec des crampons de ce type.

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