Alpinisme en Face nord des Grandes Jorasses – Manitua

par Yoann FOULON
face nord des grandes jorasses

Yoann Foulon, en cordée avec Henri Bourrasse, nous raconte sa réalisation de la voie « Manitua », course d’alpinisme dans la face nord des Grandes Jorasses du massif du Mont Blanc.

Informations pour préparer la voie Manitua aux Grandes Jorasses

Date :

7/8/9 Septembre 2016

Lieu :

France/ Chamonix/ Grandes Jorasses/ Pointe Croz

Où dormir :

Refuge de Leschaux pour l’approche puis refuge Boccalatte (Italie) pour le retour

Bibliographie

Informations sur la voie Manitua aux Grandes Jorasses

  • Style de voie Manitua : Grande courses d’alpinisme mixte.
  • Première réalisation de la voie Manitua : En 1991 par Slavko Sveticic en solitaire.
  • Approche : 4h30 de Chamonix jusqu’au refuge puis 2h jusqu’au pied.
  • Temps dans la voie Manitua : 2 journées et 2h.
  • Longueur : 1100m (400m pour la partie du bouclier rocheux).
  • Descente de la voie Manitua : En 7/8 rappels puis à pied versant italien
  • Cotation de la voie Manitua: VI, 7a.

Ascension de la voie Manitua en Face nord des Grandes Jorasses

Quand on évoque les Grandes Jorasses on pense directement à sa face nord, à ses plus de 1000m de face raide dans un mélange de rocher, de glace et de neige. C’est aussi un sommet qui est éloigné et qui offre à tout ceux qui s’y aventure un peu d’isolement.

Une voie a été ouverte en 1991 par Slavko Sveticic, elle traverse cet impressionnant bastion en passant par le bouclier de rocher très raide et en sortant sur la pointe Croz.

Elle s’appelle Manitua et regroupe tous les styles d’escalade : de l’escalade en rocher à la grimpe sur glace en passant par du mixte, de la pente de neige et un peu d’artif. Un mélange de savoir faire pour atteindre le sommet de cette barre.

face nord des grandes jorasses
face nord des grandes jorasses

Ce n’est que ce printemps que j’ai pris connaissance de cette voie lorsque Henri m’en a parlé à la salle d’escalade Altissimo , le projet me semblait complètement fou mais l’idée me plaisait bien, peut-être pas tout de suite mais un jour… d’autant plus qu’il faut tout un ensemble de conditions pour que ce soit réalisable : la parois en état favorable (sèche mais un peu garnie de glace par endroit), un créneau de beau temps de 3 ou 4 jours, une période de congés au bon moment et un très bon ami motivé par le projet et disponible au bon moment.

Même si la plupart du temps c’est à nous de la provoquer, la chance est aussi une question de hasard, et début septembre tout était réuni pour nous offrir l’opportunité d’essayer de grimper cette merveilleuse voie.

Direction la voie Manitua

Mardi nous partons à pied depuis le parking du Montenvers car le petit train est fermé, rallongeant ainsi de 2h notre approche vers le refuge de Leschaux. Cela a le mérite de limiter le nombre de personnes au départ de la mer de glace et de rendre les lieux plus calmes et sauvages, nous croisons juste quelques randonneurs. Les belles et grandes montagnes qui nous entourent, créent déjà un gros contraste avec nos collinettes Montpellierraines. Arrivés au refuge nous pouvons faire un premier repérage visuel de la face et repérer les passages pour le lendemain, surtout celui de la rimaye.

Début de l’ascension de la voie Manitua

Mercredi matin, après un bon petit déjeuner nous quittons le refuge à 3h30. Les étoiles scintillent au dessus des Grandes Jorasses. Nous avançons sur le glacier de Leschaux dans le halo de notre lampe frontale et le grincement de nos crampons dans la neige dure du matin. Sur le chemin nous croisons deux jeunes qui souhaitent grimper également la voie Manitua, nous faisons le reste de l’approche ensemble. A la rimaye, matérialisant le départ de la voie nous préparons le matériel et nous attaquons ce bastion immense en essayant de trouver le cheminement le plus judicieux. Nous commençons par grimper une pente de neige faisant chauffer nos mollets et se terminant par une langue dans le rocher.

Nous enlevons nos crampons, le rocher est instable et nous décidons de « tirer des longueurs » notamment pour limiter le risque de chute de pierres sur nos deux autres amis en dessous. Juste sous le bouclier nous nous retrouvons dans un dièdre tout verglacé et terriblement mal commode et je suis obligé de passer en « artif », ce qui nous fait perdre un peu de temps pour arriver sur la vire penchée du mur centrale. Une très longue traversée est nécessaire pour atteindre la suite de la voie (la partie grimpe rocheuse), environs 120 à 150m dans un terrain très instable.

les premières longueurs du bouclier MANITUA
les premières longueurs du bouclier MANITUA

Escalade de la voie Manitua

C’est avec soulagement que nous découvrons la première longueur du bouclier dans un rocher plus compact.

« Enfin ! Nous allons pouvoir faire ce que nous savons le mieux faire, c’est à dire grimper sur du rocher. »

Ces péripéties nous ont retardés déjà d’une heure par rapport au temps que nous nous étions fixé. Et cela n’allait pas s’arranger car les longueurs suivantes se trouvent être plus ou moins verglacées, ajoutez à cela l’altitude qui nous force à la lenteur et vous obtenez deux escargots.

En revanche l’escalade est complètement magique dans les 5 premières longueurs du bouclier. On suit un cheminement de dièdres fissurés et entrecoupés de petits toits.

la fin du bouclier bien gele
la fin du bouclier bien gelé à la Manitua

Le « gaz » se fait sentir surtout lorsqu’on lâche notre sac de hissage, une sensation de vertige nous envahit et les grandes lignes de glace des voies voisines comme la Mac’intyre n’arrangent pas les choses à se festival du vide, nous nous sentons si petit.

Bivouac dans la voie Manitua

Tanpis si nous sommes lents, profitons de la grimpe et nous nous arrêterons bivouaquer où nous pourrons. Les deux jeunes derrière nous sont dans la même logique ce qui nous permet à tous de grimper sans aucunes mauvaises pressions.

Au ¾ du bouclier nous atteignons une petite épaule avec des terrasses, la lumière commence à décliner, c’est le bon moment pour faire un bivouac. Après quelques aménagements nous voilà installés pour la nuit. Un petit lyophilisé et on se glisse (assis) dans nos sacs de couchage.

Le bivouac ( 5 étoiles ou presque) dans la voie Manitua aux Grandes Jorasses
Le bivouac ( 5 étoiles ou presque) à la Manitua dans les grandes jorasses

La nuit est longue, notre position assise devient inconfortable, nous glissons régulièrement avec les pieds dans le vide. Nous parvenons à faire seulement de micros sommeils et nous voyons passer toutes les heures.

Après le premier bivouac de la voie Manitua

Lorsque que le soleil vient nous chatouiller au petit matin c’est comme une délivrance, on profite de la relative chaleur de son éclairage pour manger un lyoph’ et faire à boire (1l pour la journée). Henri attaque la suite des hostilités avec un 6b très verglacé, le soleil disparaît rapidement de l’autre côté de la montagne redonnant à cette face nord toute l’austérité qui lui est due. L’escalade se fait lente et le rocher froid nous offre de bien belles onglées.

Dans la longueurs en 7a, je craque et passe en artif où c’est possible, nous avons du mal à nous réchauffer. Nous sortons de ce bouclier rocheux à 12h, c’est là où nous aurions dû passer la nuit. Le retard se creuse, nous espérons tout de même sortir au sommet ce soir.

la pente de neige mediane
la pente de neige mediane en face nord des grandes jorasses

Fin du rocher et debut du mixte aux grades Jorasses

Fini les chaussons, nous pouvons mettre les « grosses » et les crampons. Une longueur de pente de neige très aérienne nous amène au pied de deux belles longueurs de mixte, un beau mélange de glace et de rocher dans de petites goulottes très esthétiques. Nous sommes autour de 3800m d’altitude et ressentons très fortement le manque d’oxygène. Si bien que nous avançons très lentement, même en second nous n’arrivons pas aller bien vite.

La longueur suivante doit nous permettre de rejoindre la fin de la voie du « Croz », il s’agit d’une rampe de gradins de rochers garnis de neige inconsistante, pas facile à grimper et à protéger. À la fin de cette longueur nous basculons derrière une épaule et retrouvons le soleil. C’est fou comme le soleil fait du bien au moral, même si la température n’est pas tellement meilleure à cause du vent, nous apprécions sa luminosité.

Henri prend la relève et trouve un cheminement dans du rocher pourri. L’heure tourne, et il nous devient difficile d’imaginer sortir aujourd’hui. La soif devient aussi présente que la fatigue. J’essaie de manger un peu de neige pour calmer cette mauvaise sensation de déshydratation.

Deuxieme bivouac aux Grandes Jorasses

À 20h nous sommes à deux longueurs du sommet, il va faire nuit, nous sommes donc contraints de faire un deuxième bivouac dans cette face. Là c’est vraiment inconfortable nous sommes sur une dalle de rocher inclinée, en comparaison de la veille c’était le grand luxe.

Trop inconfortable pour essayer de faire fondre de la neige pour boire. Nous avons soif mais aussi froid, nous rentrons donc dans nos sacs de couchage sans manger et sans boire. Nous les fermons du mieux possible puis nous entamons une très longue nuit. J’ai repéré trois positions à peu près correctes et je change de position environ toutes les 15 minutes, autant dire que seules des micros siestes m’ouvrent la porte des rêves.

Sommet et redescente de la voie Manitua

À partir de 7h du matin, nous attendons l’arrivée du soleil pour sortir de nos sacs. Lorsqu’il a enfin pointé son nez nous avons crié :

« Allez ! on se casse de là »

Nous avons difficilement réorganisé nos sacs et le matériel, puis nous sommes partis dans les deux dernières longueurs en 6a. J’ai grimpé en gardant les gants aux mains, il faisait froid (en tout cas plus qu’à Montpellier).

Après du slalome dans du rocher pourri et une renfougne dans une cheminée nous sortons sur la pointe Croz à 9h45. Quel soulagement ! C’est un moment magique de sortir une telle voie. Mais nous n’avons pas fini, il faut encore descendre…

la descente versant italien
la descente versant italien des grandes jorasses

En arrivant sur le Rocher du Reposoir nous faisons enfin fondre de la neige pour nous réhydrater, un litre et demi plus tard nous continuons notre descente, nous espérons que le refuge de Boccalate soit ouvert pour manger et boire. Les glaciers sont impressionnants de ce côté-ci, ils sont raides avec de nombreux séracs, leurs nombreuses fractures nous obligent à serpenter dans ce dédale. Quelques temps plus tard nous sommes au refuge en train de savourer un merveilleux sandwich salami/fromage avec une canette de coca, nous revivons.

Une ou deux heures de descente interminable nous permettent de retrouver la vallée italienne où nous faisons du stop pour retourner en France et ainsi boucler la boucle.

Conclusion sur l’ascension de la voie Manitua aux grandes jorasses

Quelle aventure ! Merci Henri pour cette merveilleuse course. J’espère avoir une nouvelle opportunité de retourner dans cette face nord des Grandes Jorasses, mais pas tout de suite…

Matériels utilisés pour la voie Manitua aux Grandes Jorasses

CATEGORIEMODELEMARQUEPOURQUOI AVOIR FAIT CE CHOIX AU DEPARTCE CHOIX A-T-IL REPONDU AUX BESOINS DE LA SORTIESI C’ÉTAIT A REFAIRE
DOUDOUNEM Blow AlphaEIDERCoupe vent + apport thermique et séchage rapideOui, attention toutefois à la fragilité du produit : résistance à l‘abrasion réduite, donc à éviter dans les cheminées et autres étroituresÀ garder
PREMIERE PEAU (haut)M tech top zip Ls half zipICEBREAKERUn très bon apport de chaleur avec une bonne respirabilitéOui, très agréable à porterÀ continuer
PANTALONGamma mx pantARCTERYXCoupe vent et bonne déperlance, reste souple.OuiÀ renouveler
SAC DE COUCHAGEXero 550MOUTAIN EQUIPEMENTLéger et compactOuiÀ reprendre sans hésitation
MATELAS LEGERMousseQUECHALéger, et découpable à la longueur de votre choixOui et on perd pas grand chose si on le fait tomber.Parfait
RECHAUDPROVIDUSOPTIMUSLégèretéOui, Parfait pour des courses ou le poids est un élément important pour la réussite de la courseÀ refaire, mais en big wall les réchauds type « jetboil » sont hyper pratique car suspendable
SAC A DOSJorasse 45SIMONDSimple et fonctionnelBien. Le volume est parfait pour se que nous avons faitÀ refaire
HARNAISAquilaPETZLCompromis entre légèreté, compacité et confortOui, surpris du confort.À refaire
MOUSQUETONSAttache 3DPETZLForme poire de taille moyenne. Modele légerOui, le seul point négatif est sa visserie qui a tendance a s’ouvrir facilement.À refaire
POULIE TRACTIONMicro tractionPETZLIndispensable pour réaliser un secours en crevasse ou big wallOuiÀ refaire
CORDE A DOUBLEIce line 60m golden unicoreBEALFine et fluideOui, très bonne résistanceAu top
CHAUSSURE D’ALPINISMETrioletSCARPAChaussures agréablesTrès bonne adhérenceÀ refaire
CHAUSSON D’ESCALADE CONFORTABLEKatana VelcroLA SPORTIVAConfortableAu final sur les dalles, avoir une paire de chausson « pantoufle » permet une super adhérence (grâce) à l’écrasement).Oui.
MONTRE ALTIMETREFenix3GARMINPrêtMontre alti Fenix Garmin Prêt Très bien, peu volumineuse pour tout ce qu’elle apporteÀ refaire, une vraie station d’information, une aide précieuse pour la montagne
LAMPE FRONTALETikka R+PETZLBon éclairage et différents modes d’éclairage (puissance)Oui, et bonne autonomieÀ refaire
COINCEURS ET FRIENDSCamalot C3/C4BLACK DIAMONDStabilité, bonne amplitude d’ouverture et robustesse (même sur les petites tailles)OuiÀ continuer
COINCEURSAlienALIEN CAMSSouplesseOuiUn jeu à avoir
DEGAINESAngePETZLlégèretéOuiAu top
PORTE MATOSZionBLACK DIAMONDFaciliter l’organisation du matérielTrès pratique, les portes matériels du bas sont peut être un peu trop longs, à raccourcirÀ refaire
ASSUREURReversoPETZLAssurage du leader et du second avec corde à doubleOuiÀ refaire
SANGLEFin anneau 60PETZLPratique pour rallonger les points de protections (spits, pitons, coinceurs…)OuiÀ refaire
SANGLEFin anneau 120PETZLPratique pour faire des relaisOuiÀ refaire
CASQUE ESCALADESirrocoPETZLLégèretéOui, et très bonne tenue sur la tête, le clip aimanté permet une mise rapide du casque même avec des gantsJe continue avec lui
BROCHE A GLACELaser SpeedPETZLTrès bon amorçageOui, les meilleures que j’ai utilisées à ce jourÀ refaire

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