Henri Bourrasse nous raconte en 3 temps l’ Ascension en face Nord Ouest de la Civetta avec la voie Aste-Suzatti en août 1984, du dièdre Philipp-Flamm en juillet 1986 et d’une tentative à la voie Colonne d’Ercole à la punta Tissi en juillet 2017
Informations pour préparer l’ Ascension en face Nord Ouest de la Civetta
Dates
Août 1984, juillet 1986 et juillet 2017
Lieu
Massif de la Civetta, Dolomites, Italie
Participants pour l’Ascension en face Nord Ouest de la Civetta
Henri accompagné successivement de, Thierry en 1984, Gilles en 1986 et Yoann FOULON en 2017
Hébergements dans le Massif de la Civetta
Refuges :
- Refuge Sonino Al Coldai en face sud
- Le Refuge Tissi, au pied de la face Nord Ouest
- Refuge Vazzoler, dans le val Corpassa, au pied des Torre Trieste et Venezia
Camping à Zoldo Alto au pied de la face sud de la Civetta :
Où se restaurer, s’approvisionner
On peut trouver tout types de commerces dans les localités qui entourent le massif : Alleghe, Selva di Cadore et Zoldo Alto
Office de Tourisme du Massif de la Civetta
- Alleghe
- Selva di Cadore
- Zoldo Alto
Caractéristiques du Massif de la Civetta
Les grimpeurs germanophones l’appellent « Die Wand Aller Wânde » : la paroi des parois, ce qui sous-entend qu’elle serait la plus belle ou la plus haute dans l’absolu. Mais s’il est vrai que l’on se sent petit lorsque l’on parcourt le sentier Tivan au pied de la face Nord Ouest, beaucoup de parois Dolomitiques sont au moins aussi hautes : Burel, Agner … Mais elle ne manque pas d’élégance avec ses tours et ses pointes alignées sur des kilomètres.
Le sommet principal culmine à 3220 m. La paroi fait jusqu’à 1200 mètres de haut, pour plus de 7 kilomètres de long.
Voies parcourues :
- Voie Aste-Suzatti, punta Civetta, ED- 750 m
- La Voie Philipp-Flamm ED, punta Tissi, 1000 m
- Voie Colonne d’Ercole, punta Tissi ABO, 1000 m
Bibliographie pour l’ Ascension en face Nord Ouest de la Civetta
- Les Dolomites orientales – Les 100 plus belles courses et randonnées de Gino Buscaini
- Dolomites, 150 ans d’escalade de Bernard Vaucher, Editions du mont-Blanc.
Liens Internet pour l’Ascension en face Nord Ouest de la Civetta
On trouvera beaucoup de topo sur le site Ramellasergio et sur PlanetMountain en positionnant correctement les filtres de recherche sur la Civetta.
Que faire à coté
Difficile d’énumérer toutes les possibilités d’activités, mais on peut pratiquer :
- De l’escalade, on trouve de nombreuse voies à la Civetta de tous niveaux, se référer aux liens Internet ci-dessus ;
- De la via ferrata : Via Ferrata Degli Alleghesi à la Civetta : une des plus belles et plus longues des Dolomites ;
- Randonnée à pied et VTT dans le Val di Zoldo.
Ascension en face Nord Ouest de la Civetta dans la « paroi des parois »
Le projet de l’été
Nous voilà partis avec Yoann, pour la deuxième année consécutive, en direction des Dolomites. Cette fois–ci, après avoir rêvé tout le printemps devant un article du magazine Vertical relatant l’ouverture et la première ascension en libre d’une nouvelle voie dans la face Nord Ouest de la Civetta, l’objectif est de tenter de répéter cet itinéraire : Colonne d’Ercole à la Punta Tissi.
Cela serait la cinquième fois que je gravis une voie dans cette face impressionnante aux allures de dinosaure endormi. Parmi ces ascensions, deux m’ont particulièrement marquées : la voie Aste-Suzatti à la Punta Civetta en 1984 et le Dièdre Philipp-Flamm à la Punta Tissi en 1986.
1984 : tout débute par un rallye automobile Aix-Canazei
Parti d’Aix en Provence à cinq, répartis dans deux voitures, nous n’étions plus que deux à Canazei, au cœur des Dolomites: Thierry et moi. La voiture de Gilles ayant préféré s’arrêter, moteur fumant, à Bergame en laissant ses trois occupants sur le bord de la route. Nous faisions la course, Thierry ayant lancé au moment du départ : « Premiers à Canazei ! ».
Il avait également une conception, qui lui était propre, du code de la route et, au volant de son Ami 6, une fois lancé à sa vitesse de croisière de 100 km/h. Thierry évitait soigneusement tout arrêt ou tout le moins ce qui pouvait le ralentir. Il évitait donc de s’arrêter aux stops et aux feux rouges. Il s’abstenait également de freiner à l’approche des ronds-points et aux cédez-le-passage. C’est ainsi qu’il pensait avoir remporté la course haut la main, puisque ni Gilles, ni Guy et Martine, ses passagers n’étaient là pour le contredire.
Marche d’approche
Au départ d’Aix, pour équilibrer un peu le chargement des voitures, nous avions pris les sacs de Guy et Martine, les passagers de Gilles. L’Ami 6 de Thierry ne fermant pas, nous n’avions d’autre choix que de trimballer tout le matériel qu’elle contenait pour les montées au refuge. C’est ainsi, avec deux énormes sacs à dos chacun, un devant et un derrière, que nous avons fait l’approche jusqu’au refuge Coldai, point de départ des ascensions dans la face Nord Ouest. Là, nous abandonnâmes notre chargement.
Etant apôtres de la légèreté, nous partîmes en jogging et t-shirt, sans rien d’autre qu’une ribambelle d’hexentrics, sortes de gros coinceurs, au torse et de mousquetons au baudrier, en direction de la Face Nord Ouest, avec la ferme intention de gravir la voie Aste-Suzatti à la Punta Civetta. Ralentis par le portage jusqu’au refuge, nous n’arrivâmes à la base de la paroi qu’aux alentours de 9h, ce qui était un peu tard, pour prétendre gravir une voie de 750 m. Ce que nous fîmes pourtant.
Un oubli malencontreux
Après avoir parcouru le socle facile sans corde, nous attaquâmes les vraies difficultés. A un relais, encombré par la guirlande de coinceurs, je les attachai par un mousqueton au relais. Thierry pris la tête de la cordée pour la longueur facile suivante. Un peu plus haut, les difficultés reprenant, Thierry me fit : « Passe-moi le matos » et je réalisai, penaud, que je les avais oubliés deux longueurs plus bas, accrochés au piton du relais. Nous décidâmes de poursuivre l’ascension, avec les deux ou trois coinceurs qu’il nous restait.
Bivouac trois étoiles
Vers 21 h le soir, je finis les difficultés, la nuit tombait. Au pied des cheminées terminales, je demandai un peu machinalement à Thierry : « Qu’est ce qu’on fait ? », il me répondit, fataliste : « Ben, on dort ici … ». Nous nous installâmes, tant bien que mal, assis sur la corde, deux jambes dans le vide et vachés sur un des rares coinceurs qui nous restait. Encore réchauffé de l’ascension, juste avant de commencer à claquer des dents, je dis à Thierry : « bah, on ne devrait pas avoir trop froid… ». Après une nuit très éprouvante à presque 2800 m d’altitude, courageusement je laissai Thierry repartir dans la première longueur de la cheminée terminale et peu après nous débouchâmes au sommet sous le soleil.
Un verre, ça va…
En entamant la descente par la via ferrata degli Alleghesi, nous croisâmes un groupe d’italiens qui montaient. Ils avaient parcouru le sentier Tivan au pied de la paroi la veille et nous avaient vus grimper. Les Italiens nous reconnurent et comprirent que nous avions passé la nuit dans la paroi. Ils nous proposèrent de manger, mais n’ayant pas bu depuis presque 24h, je leur demandais plutôt à boire. L’un deux me tendit sa gourde et je bus avec avidité. Je recrachais presqu’aussitôt : elle contenait du vin ! Ils n’avaient pas d’eau, uniquement du vin et c’est donc légèrement éméchés que nous continuâmes la descente.
1986 : La voie Philipp-Flamm
Pour la quatrième voie de notre périple, Gilles et moi avions choisi le Dièdre Philipp-Flamm. C’était à l’époque, une voie réputée des Dolomites, une voie que tout « Dolomitard » qui se respectait rêvait et se devait de parcourir. Nous voilà donc partis en direction de la « paroi des parois », moi chaussé d’espadrilles, car j’avais oublié mes baskets en France, et Gilles avec un petit sac à dos « de ville » rose contenant un litre d’eau et quelques barres de céréales, car cette fois-ci, légèreté ne rimait pas avec inconscience.
Le névé d’attaque fut vite avalé sous un ciel gris et lourd, malgré une petite boule au ventre, synonyme de mal des rimayes. Après quelques palabres, nous décidâmes de gravir le bas de la voie et de voir si, pendant ce temps, les dieux de la météo nous redevenaient favorables. En grimpant corde tendue, le premier tiers de la paroi fut vite gravi et le ciel eut le temps de s’éclaircir : nous n’avions plus d’excuse pour redescendre.
Sortie sous l’orage
Malgré quelques erreurs d’itinéraire dues à un topo approximatif qui consistait en quelques lignes pour décrire mille mètres d’escalade, nous arrivâmes au sommet des cheminées Comici, alors que l’après-midi était tout juste entamée. En tournant la tête vers la Marmolada, nous aperçûmes un ruban de nuages noirs qui barrait l’horizon. Nous repartîmes avec la ferme intention d’arriver avant l’orage à la crête. C’était à mon tour de grimper en tête. Je décidai, bien qu’il restât environ une grosse centaine de mètres d’escalade, de ne m’arrêter qu’au sommet.
J’ai pu vérifier que la peur donne des ailes. Gilles m’avoua plus tard qu’il se sentait hissé dans toute cette partie terminale. Arrivé à la crête sommitale en même temps que l’orage, j’entamai aussitôt la descente ou plutôt je sautai les barres rocheuses retenu par la corde et Gilles à l’autre bout. Il me rejoignit au pied d’un mur à 50-60 mètres sous le sommet, et entre deux coups de tonnerre me demanda : « On descend où ? ».
Un peu de paresse …
Dans la répartition des rôles pour la préparation de la course, j’avais été chargé de prendre des notes pour la descente. Mais, l’ayant déjà effectué de la pointe voisine, la Punta Civetta, je fus pris d’une petite flemme subite et je décidai que ce n’était pas utile de prendre quelques indications pour la descente. Je trouvai une échappatoire : « On doit pouvoir atteindre le refuge Torrani en traversant à niveau ». Nous avons alors entamé une longue traversée sur des vires et des pierriers suspendus, sous les éclairs et les trombes d’eau.
Nous débouchâmes, un peu par hasard devant le refuge. L’orage fut bref et violent. Nous reprîmes notre descente vers le refuge Coldai où nous arrivâmes à temps pour le repas du soir. Le gardien ne crut pas que nous ayons pu gravir les mille mètres et être de retour si tôt au refuge. En effet, la plupart des cordées bivouaquaient dans la voie ou au sommet. Un coup de fil au refuge Tissi, lui apporta la confirmation de notre parcours. Pour nous faire oublier de nous avoir pris pour des affabulateurs, il nous offrit le repas du soir.
2017 : Tentative avortée à Colonne d’Ercole
Cette fois avec Yoann, nous dormirons au refuge Tissi au pied de la face. De manière à pouvoir repérer l’itinéraire que nous allons parcourir le lendemain.
L’approche est vite avalée de nuit. Et au petit jour, gonflés à bloc, nous attaquons le bas de la voie corde tendue. Ensuite, les premières longueurs, aux cotations modestes pourtant, donnent le ton : ce ne sera pas facile.
La paroi se redresse et dans la première longueur en 7a, le sac de hissage ne touche plus le rocher. Une dernière longueur, bien engagée en 6c+, nous amène sur une vire au pied des grosses difficultés.
Là, je rejoins Yoann qui m’annonce avoir un reçu un SMS lui annonçant une forte probabilité d’orage le lendemain. Après quelques minutes de discussion, notre décision est prise : inutile de risquer de se prendre la foudre. Et c’est avec un certain fatalisme que nous entamons une descente vertigineuse.
Conclusion de la « paroi des parois » en face Nord Ouest de la Civetta
J’ai attendu 31 ans avant de revenir à la Civetta. La paroi est encore plus impressionnante que dans mon souvenir. La déception a été grande de devoir descendre de Colonne d’Ercole. Mais peut-être ai-je été secrètement soulagé de ne pas avoir à affronter les principales difficultés de la voie.
Il n’est jamais facile de se confronter à son niveau maximum dans ces grandes parois. Et quelques fois, je me demande si l’orage n’est pas arrivé à point nommé, pour me permettre de renoncer. Dans l’antiquité, les colonnes d’Hercule marquaient la fin du monde connu, une limite qu’on ne devait pas franchir. Peut-être que cette voie à la même signification pour moi.
Liste du matériel utilisé pour l’Ascension en face Nord Ouest de la Civetta
Matériel escalade utilisé lors de notre Ascension en face Nord Ouest de la Civetta
Catégorie | Nom du modèle | Marque | Pourquoi avoir ce choix de ce modèle au départ | Est ce que ce choix a répondu à cette expérience racontée dans ce raodbook | Si c’était a refaire |
BAUDRIER | SL-340 | ARC’TERYX | Pour le confort et la légèreté | Oui malgré le fait qu’il n’ait que 2 porte-matériels | Oui, mais j’ai vu que le même modèle avec 4 porte-matériels existe |
CORDE A DOUBLE | Cobra 2×60 m | BEAL | Bon rappel fluide et résistant | Oui | Oui |
CORDE | Trail line dynema | BEAL | Pour le hissage et la descente en rappel avec une corde simple | Oui | Oui |
DEGAINES | Ange | PETZL | Le top pour la légèreté | Oui | Oui |
CHAUSSON ESCALADE | Katana | LA SPORTIVA | Pour la précision et le confort | Oui | Oui |
CHAUSSURES | XA Pro | SALOMON | Je ne veux qu’une paire de chaussures légères et peu encombrantes pour courir et pour les approches | Oui | Oui |
CASQUE | Elios | PETZL | J’avais la version précédente … | Il y a mieux et les réglages sont moins bien que sur le moèle précédent | Non |
SANGLES | fin’anneau dyneema | PETZL | Oui mais nœuds difficile à défaire | ||
FRIENDS | Camalot C4 | BLACK DIAMOND | Le top (mais je n’ai pas essayé les totemcams ) | Oui | Oui |
MICRO-FRIENDS | ALIEN CAMS | Pour la souplesse | Oui | Oui | |
SAC DE HISSAGE | Touchstone 70 L | BLACK DIAMOND | Indispensable pour une voie sur 2 Jours | Oui, poche zippée , porte matériel intérieur etc … | Oui |
POULIE | Micro traxion | PETZL | Petite, légère et super rendement | Oui | Oui |
BLOQUEUR | Duck | KONG | Pour le hissage avec le pied | Oui | Oui |
Equipement utilisé lors de notre Ascension en face Nord Ouest de la Civetta
Catégorie | Nom du modèle | Marque | Pourquoi avoir ce choix de ce modèle au départ | Est ce que ce choix a répondu à cette expérience racontée dans ce roadbook | Si c’était a refaire |
SAC DE COUCHAGE DUVET | Atom | MARMOT | Faible encombrement et poids, adapté pour bivouac en paroi en été | Oui | Oui |
POLAIRE | TRANGOWORLD | Résistante et chaude | Oui, mais il manque une ou des poches ! | Oui, mais ! | |
PANTALON | Jean Axiom | PRANA | Soldé 50 %! | Super résistant, ne limite pas les mouvements | Oui |